E-car : une nouvelle idole pour les enfants gâtés de la bagnole ?

Nos confrères d’Automobile Propre ont qualifié le Dacia Hipster de révolution de la voiture électrique. Un concept qui préfigure une nouvelle catégorie de petite voiture électrique à vocation urbaine : l’e-car. La presse et les invités de la présentation ont été unanimes. Heureux est l’homo-mobilitis qui va pouvoir rouler sans tout ce luxe surfait des voitures trop grosses. Mais ne serait-ce pas un petit caprice d’enfants gâtés en manque de régression chic ?

Si on en croit la présentation, ce genre de véhicule aurait besoin de 2 recharges par semaine, pour le trajet du Français moyen. Un petit tour sur le site de l’INSEE nous donne 12 200 km. Les propriétaires de voitures électriques roulent 15 % de plus, soit 14 030 km. Ce qui donne un quotidien de 39 km ou 273 km par semaine. Cela signifie que ce genre d’auto visera des autonomies de 140 km WLTP. Soit 80 à 100 km réels.

Sur Cleanrider, nous ne cracherons jamais sur une nouvelle solution de mobilité, surtout si celle-ci mise sur une conception plus « propre ». Il faut dire que le poids sous la tonne et la motorisation électrique sonnent comme une réponse idéale, avec juste l’essentiel. Un sport dans lequel excelle la marque roumaine, en témoigne les notes stratosphériques de ses véhicules et ce, qu’importe le pays où ils sont essayés.

Mais lorsqu’on y réfléchit, le doute s’invite quant à l’utilité d’un tel concept.

Primo, cette proposition sonne comme un aveu d’échec de la part de la voiture électrique. Incapable d’offrir un équivalent à son homologue thermique à prix équivalent, sauf en rognant sur le périmètre d’action d’utilisation, se réfugiant hypocritement derrière un « juste ce qu’il faut » plus serré que des cuisses dodues dans un jean slim après un repas de fête.

Désormais, l’automobile a l’autonomie d’un vélo électrique. Mais attention, la voiture embarque 4 personnes, elle ! Intéressant, car les statistiques qui servent si bien les propos sur son périmètre d’action, desservent cette caractéristique, dans la mesure où, dans plus de 70 % des cas, il n’y a guère plus d’un passager sur les sièges et, une fois sur deux, le conducteur est seul.

C’est également un aveu d’échec de notre système qui tente de supprimer l’automobile des villes en la remplaçant par une autre automobile de ville. Une façon très spéciale de régler un problème que d’en créer un second.

Mais le plus intéressant est la limitation. L’automobile s’inscrit dans une régression si tendance chez les gens qui n’ont jamais été dans le besoin. Oubliez le GSR2 et autres aides électroniques censées éviter de tuer ou d’être tué, plutôt que d’éviter de boire ou de se droguer. L’un étant financièrement imputable aux constructeurs et consommateurs quand l’autre, repose sur l’efficacité de l’État.  Toutes ces aides s’effacent d’un revers de main tatouée d’un 110 km/h, vitesse maximum murmurée pour cette catégorie qui chapeaute tout juste le L7e. « Nous allons faire comme le Japon » crie Bruxelles. Le Vieux Continent plagie un archipel. Les fans de Key Cars crient au génie ! Et personne ne s’interroge plus que ça.

Nous voilà donc à applaudir des voitures minuscules à la sécurité limitée, à la vitesse limitée, à l’utilisation limitée, mais au prix pas si limité (il se murmure entre 15 et 20 000 euros), pour se mouvoir en ville et sur les petits trajets, principalement urbains et péri-urbains, obligeant de fait à avoir une seconde voiture, nécessitant un second emplacement. Exactement ce que ferait volontiers un vélo, cargo ou non, un scooter électrique (pourtant si boudé) ou, pour les solistes, une trottinette électrique.

Ces petites e-cars mangeront une empreinte au sol d’environ 6,5 m² (sur la base de 3,8 m x 1,65 m) et n’échapperont pas aux embouteillages pour lesquels le gain de place s’avère anecdotique. Pensées pour les villes, elles ne sont qu’un objet problématique de plus à loger pendant les vingt heures quotidiennes où elles ne servent à rien. Visiblement, la régression oui, mais mesurée. Après tout, il s’agit de pousser des pédales dans les deux cas.

En zone rurale, c’est une autre histoire. Elle plaira peut-être à une poignée d’utilisateurs qui auront à choisir entre le marché du neuf à motorisation thermique et de l’occasion en électrique. Des choix plus judicieux, qui peut le plus pouvant généralement le moins.

Il n’y a donc pas de quoi se réjouir, l’automobile en ville ayant une nouvelle alliée bien déguisée qui se plaira à afficher son passe-droit. Et il y a fort à parier que ce « juste ce qu’il faut » trouvera difficilement sa place dans un monde du toujours plus. D’autant que les gens s’enthousiasment sur une autonomie au cordeau quand, pour 80 % d’entre eux, le range anxiety est le problème névralgique du passage à la voiture électrique.

Seule bonne nouvelle, cette catégorie donne une (petite) bouffée d’air à un marché automobile en souffrance qui entraine ses acteurs dans les bas-fond d’un radicalisme flou imposé par une politique européenne.

Cet édito n’est pas enjoué, c’est sûr. Rabat-joie même, crieront certains. Oui, totalement. Mais avant de rhabiller la voiture électrique d’une tenue trop moulante, il aurait été (peut-être) préférable de revoir la garde-robe du décor urbain, d’autant que les derniers résultats du Baromètre des Villes Cyclables montrent que les habitants des villes comme des zones rurales n’attendent que ça !