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Vélos électriques : leur statut de vélo en danger en Europe

Vélo électrique en ville, au cœur des débats réglementaires européens
Le vélo électrique, pilier de la mobilité douce, pourrait voir son statut bouleversé par Bruxelles. © Cleanrider

L’avenir des vélos électriques se joue à Bruxelles : l’association allemande ZIV et LEVA-EU s’opposent sur la réglementation européenne. Un affrontement qui pourrait redessiner le marché et l’innovation.

Depuis plus d’une décennie, le vélo électrique s’impose comme un pilier de la mobilité douce en Europe. Sa popularité repose sur un cadre réglementaire relativement simple : pas de plaque, pas d’immatriculation, pas d’assurance obligatoire. Mais cet équilibre est aujourd’hui remis en question.

Au sein du comité européen CEN/TC 333, chargé de définir les normes pour les cycles, deux visions s’affrontent sans compromis : celle de l’association allemande ZIV et celle de l’organisation européenne LEVA-EU. En jeu : savoir si les futurs VAE resteront assimilés juridiquement aux vélos classiques ou s’ils devront se plier à des contraintes techniques plus strictes.

Deux visions opposées du vélo électrique

Pour ZIV, la priorité est claire : le vélo électrique doit rester, légalement et techniquement, un vélo. Cela implique des limites précises sur le poids, la puissance ou encore le niveau d’assistance. Selon l’association allemande, c’est ce cadre qui a permis au marché d’exploser en Europe, tout en maintenant une cohérence vis-à-vis des vélos classiques.

LEVA-EU défend une tout autre approche. Dans une lettre ouverte adressée aux institutions européennes, elle alerte sur les conséquences des propositions de ZIV, qui « transformeraient l’Europe en désert d’innovations » si elles venaient à être adoptées. Pour l’organisation, ces restrictions techniques écarteraient du marché des VAE essentiels à la transition écologique et à la mobilité inclusive.

Ce n’est pas la première fois que le secteur s’inquiète des choix réglementaires de Bruxelles. Lorsque l’Union européenne a adopté le règlement sur la réparabilité des batteries de VAE, de nombreux industriels avaient déjà exprimé leurs doutes. L’obligation de rendre chaque cellule remplaçable par un professionnel indépendant posait des défis techniques considérables, au risque de ralentir l’innovation et de renchérir les coûts. Le débat autour des normes VAE s’inscrit donc dans une continuité : celle d’une Europe qui veut encadrer très finement l’innovation, quitte à déséquilibrer un marché en pleine expansion.

Le règlement 168/2013, au cœur du conflit

Le nœud du désaccord se trouve dans le règlement européen 168/2013, qui encadre les véhicules de la catégorie L (scooters, motos légères, etc.). Aujourd’hui, les VAE jusqu’à 250 W et 25 km/h échappent à cette réglementation contraignante, tandis qu’un modèle de 300 W doit s’y conformer.

ZIV estime que cette distinction doit être maintenue, et même clarifiée, pour éviter que des « cas extrêmes » ne viennent fragiliser l’ensemble du cadre. L’association plaide pour fixer des limites strictes sur l’assistance maximale, la puissance crête et le poids, afin de sécuriser l’avenir du marché.

LEVA-EU, au contraire, dénonce une incohérence flagrante : « un vélo de 250 W est exclu du type-approval, tandis qu’un modèle de 300 W, identique dans ses risques, doit passer par une procédure lourde et coûteuse ». Une logique arbitraire, selon l’organisation, qui menace la compétitivité et l’innovation européennes.

Cette inquiétude rejoint les propos que nous rapportions récemment à propos de Bosch eBike Systems. Son PDG, Claus Fleischer, soulignait que la réglementation actuelle, figée autour de la puissance continue de 250 W, ne reflète plus la réalité technique des motorisations modernes. Pour lui, il devient urgent de clarifier ces seuils afin d’éviter que des vélos toujours plus performants ne basculent dans un régime “moto” complexe et contraignant. Une analyse qui illustre combien le règlement 168/2013 reste le point de friction central.

Innovation et mobilité inclusive en jeu

Derrière ce bras de fer réglementaire, c’est la place du vélo électrique dans la société européenne qui se joue. LEVA-EU appelle à une législation neutre technologiquement, qui n’impose pas de barrières artificielles aux innovations. Elle souligne que des catégories entières de véhicules pourraient disparaître, avec un impact direct sur la mobilité des seniors, des personnes en situation de handicap ou encore sur le développement de solutions logistiques durables.

L’organisation insiste : les objectifs de mobilité active doivent être poursuivis via des instruments adaptés – fiscalité, infrastructures, incitations publiques – et non en « bricolant » les paramètres techniques des VAE. Dans sa lettre ouverte, elle plaide pour « un règlement dédié aux véhicules légers électriques, basé sur leurs véritables caractéristiques d’usage et de sécurité ».

Cette vision trouve un écho dans les débats que nous avions déjà détaillés au printemps. Plusieurs experts soulignaient que limiter trop strictement la puissance d’assistance revenait à pénaliser des usages essentiels : cargos familiaux, modèles pour seniors ou personnes à mobilité réduite… autant de segments qui nécessitent un coup de pouce supplémentaire pour rester confortables et sûrs. L’avenir du VAE, comme celui de la mobilité urbaine durable, dépend donc largement de l’issue de ce bras de fer entre ZIV et LEVA-EU.

Au-delà des chiffres et des articles de loi, ce débat révèle un dilemme de fond : l’Europe doit-elle privilégier la continuité réglementaire pour préserver le modèle du vélo électrique, ou ouvrir la voie à une nouvelle génération de véhicules légers qui redéfinirait la mobilité urbaine ?

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