
La scène est toujours la même : je récupère les bambins à l’école, sur un vélo cargo type longtail. Les parents comme les passants dévisagent la monture. Le biclou intrigue, intéresse les parents autant que les enfants, qui se voient tous bien dessus. Devant la grille, il est le sujet d’une conversation qui commence toujours de la même façon : « Il est bien ce vélo. Mais ça doit coûter cher. » « Cher, combien ? » est ma réplique immédiate. Les parents évoquent 2 500 à 3 000 euros. Je les regarde et annonce qu’il en coûte le double.
Une moue se dessine immédiatement sur le visage de ces personnes dont le nombre est loin du compte. C’est qu’elles n’ont que faire de la fourche suspendue capable d’encaisser le choc d’un trottoir lancé à 25 km/h vélo chargé, de la structure soutenant 210 kg, de l’ABS sur la roue avant, de la chaise avec la petite ceinture de sécurité, des freins Magura, de la transmission qui prend tarif à chaque montée tentée avec des passagers et du moteur Bosch Cargo, increvable. Elles ne voient pas un engin durable, mais un vélo qui s’affiche plus cher qu’un scooter électrique, qu’une moto thermique et, bien souvent, que leur voiture achetée il y a une décennie.
Je ne les blâme pas et je les comprends. Je n’ai moi-même pas les moyens de m’offrir ce cargo qui est prêté pour un essai.
Mais combien ça doit coûter, un vélo électrique dont la vocation est majoritairement utilitaire ?

Je suis allé interroger des gens, dans des magasins de grande distribution type Intersport, Decathlon, puis dans des magasins plus spécialisés, avant de m’adresser à des contacts professionnels de différents milieux, tantôt cyclistes, tantôt non. Une méthodologie totalement irrecevable, j’en conviens, mais qui m’a permis de mieux comprendre pourquoi le vélo à 5 000 € est « invendable » au commun des mortels.
Ainsi, dans les magasins de grande distribution, 2 500 € symbolisent la somme d’un « très beau vélo électrique », sous-entendu « haut de gamme », quand le budget moyen que ces personnes sont prêtes à investir tourne entre 1 000 et 1 300 €.
Dans les magasins spécialisés, ce n’est pas si différent. Les clients connaissent le prix des vélos et émettent un montant de 2 500 €. Ils sont peu à franchir la barre des 3 000 €. Mais lorsqu’il leur est demandé combien ça devrait coûter selon eux, les 2 500 € reviennent sur la table.
Ces propositions sont proches des faits. En France, le prix moyen d’un vélo à assistance électrique se situe autour de 1 967 €, soit presque 400 euros de plus qu’avant le COVID. Les Français sont donc enclins à débourser 25 % de plus pour s’équiper d’un VAE. Les Allemands, eux, très friands de vélo, s’allègent de 2 650 euros en moyenne.
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La batterie est le composant le plus onéreux. Les fabricants avancent les coûts de recherche, la sécurité, la gestion thermique ou encore la densité énergétique. Certes. Mais avec un kWh autour des 1 000 euros, la source d’énergie du VAE s’affiche au prix du caviar. C’est elle, plus que le moteur, qui gonfle la facture.
Mais si les vélos à 1 500 euros rendent le même service que ceux à 4 000 euros, quel est l’intérêt de dépenser autant ? La durabilité. Globalement, les vélos s’affichant autour des 3 500 à 4 000 euros sont dotés de composants plus durables (chaine, plateau, fourche, cadre, freins, tout y passe). De fait, hormis certains modèles spécifiques, comme des collabs avec des marques, les vélos haut de gamme sont vus non pas comme un objet de luxe, mais comme un objet résistant.

C’est la vision de deux catégories de personnes interrogées. La première était composée de propriétaires de vélos électriques, hommes comme femmes, qui confiaient que leur vélo était bien, mais que s’ils en avaient les moyens, ils passeraient sur un modèle plus haut de gamme pour « qu’il dure plus longtemps » souvent surpris de l’utilisation nettement supérieure à celle qu’ils pensaient en avoir lors de l’achat.
L’autre catégorie était composée de clients qui ne sont pas encore passés à l’acte. Outre le budget dont ils disposaient, c’était l’interrogation sur leur utilisation qui restreignait le montant accordé à leur achat.

Et c’est une très bonne chose. Car nous, humains, avons plutôt tendance à dépenser pour du désir et du plaisir, plutôt que pour l’utile. Raison pour laquelle nous mettons plus d’argent dans nos canapés que dans nos lits. Le premier n’étant pourtant pas aussi vital que le second. Cela signifie que le vélo n’est pas perçu sous son angle utilitaire, mais également sous celui du plaisir.

L’enquête du gouvernement sur l’usage du vélo par les Français en 2024 révèle que 99 % des Français ayant un enfant possèdent au moins un vélo. Il vient peut-être de là, ce désir de pédaler. Après tout, pour beaucoup d’entre nous, le vélo a été le premier véhicule à nous faire goûter à la liberté de nous déplacer rapidement.
Il est temps de conclure cet édito déjà trop long. Combien doit coûter un vélo ? Disons qu’il doit coûter ce que vous avez envie de dépenser et surtout que vous pouvez mettre. Il y a un prix plancher en dessous duquel il faudra régulièrement passer par l’atelier pour le garder en vie. Mais si vous avez les moyens de placer le curseur vers le haut, ce ne sera pas pour rien. Vous y gagnerez un véhicule capable d’encaisser 15 000 bornes par an, avec un coût d’entretien minime. Dès lors, le prix s’efface, l’économie devient réelle et la qualité reste. Car vous sous-estimerez forcément l’usage que vous allez en avoir, une fois que vous y aurez goûté.
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