AccueilMarchéEXCLUSIF – “On veut montrer qu’on a changé” : VanMoof se raconte sans filtre

EXCLUSIF – “On veut montrer qu’on a changé” : VanMoof se raconte sans filtre

Quelques jours après notre visite des coulisses de VanMoof à Amsterdam, nous avons pu interroger en exclusivité Eliott Wertheimer, co-CEO de la marque. Objectif : comprendre la stratégie de relance et les ambitions à long terme derrière le retour de VanMoof.

Une relance maîtrisée, entre héritage et rupture organisationnelle

C’est dans la foulée d’une immersion dans le centre technique de VanMoof à Amsterdam que nous avons échangé avec Eliott Wertheimer, co-CEO de la marque néerlandaise. L’objectif ? Comprendre comment une marque aussi emblématique que controversée entend retrouver la confiance du public.

« On ne voulait pas effacer VanMoof. On voulait en préserver la magie tout en corrigeant les fondamentaux. » Dès la reprise par Lavoie (filiale de McLaren Applied), l’équipe dirigeante a fait un choix clair : capitaliser sur la forte valeur émotionnelle du nom VanMoof, tout en reconstruisant sur des bases plus saines.

La première urgence a été de sauver l’intelligence technique. Équipes firmware, électronique, mécatronique… « On a commencé par sauver les cerveaux, puis les machines », résume-t-il. Ce travail a permis d’éviter de repartir de zéro, en documentant les systèmes, en reprenant le contrôle de la chaîne logistique et en assurant la livraison de pièces détachées aux anciens clients.

Mais le changement ne s’est pas limité à la technique. VanMoof a aussi totalement réorganisé son modèle économique. Exit les boutiques en propre, trop coûteuses à maintenir. Exit les lancements en cascade. « On a réduit le nombre de projets, simplifié la gouvernance, externalisé ce qui pouvait l’être, comme la logistique. » Une approche plus frugale, mais aussi plus focalisée.

VanMoof, version 2.0 : faire moins, mais mieux

La marque affirme aujourd’hui avoir franchi une nouvelle étape : celle de la consolidation. Le lancement du VanMoof S6 — le premier modèle de l’ère post-faillite — symbolise cette volonté de relancer sans précipitation. « Ce vélo, c’est la culmination d’un cycle. Pas une révolution, mais une validation de tout ce qu’on a mis en place. »

Moins mis en avant, mais tout aussi stratégique, l’enjeu est aussi dans la manière de concevoir, fabriquer et maintenir les produits. La plateforme technique a été assainie, les composants critiques fiabilisés, les processus d’assemblage clarifiés. VanMoof revendique désormais une approche plus industrielle, davantage inspirée de l’automobile que de l’électronique grand public.

Cette refonte concerne aussi l’expérience post-achat. L’application mobile continue de jouer un rôle central (verrouillage, géolocalisation, personnalisation), mais c’est l’infrastructure de service et de support qui a le plus évolué. Une trentaine de partenaires agréés en France assurent l’entretien, épaulés par un système de diagnostic à distance. « On veut qu’un cycliste soit à moins de 30 minutes d’un point service dans toutes les grandes villes. »

Le reconditionnement devient lui aussi un levier important : VanMoof teste et répare désormais ses cartes électroniques, moteurs et batteries dans un centre dédié à Amsterdam. Des fonctions avancées de traçabilité sont en cours de déploiement pour sécuriser chaque composant.

Diversification, prudence et écosystème

Le Vanmmof V est toujours prévu, mais il ne verra le jour qu’en 2026, au plus tôt.

Et maintenant ? Le lancement d’un nouveau vélo n’est qu’un chapitre d’un projet plus vaste. VanMoof travaille en coulisses sur d’autres produits : une trottinette électrique, héritée d’un projet McLaren Applied, est en développement avancé. Mais rien ne sera commercialisé sans validation complète du produit. Même logique pour un futur VanMoof V : la marque avance, mais sans précipiter la sortie qui se fera en 2026 au plus tôt.

Du côté logiciel, l’ambition est également claire. L’abonnement “Ride Pro” permettra d’accéder à des fonctions premium : alertes de sécurité, analyse de trajets, statistiques de santé, compatibilité avec Apple Health… VanMoof veut ancrer l’usage dans la durée, avec une logique de plateforme connectée.

La connectivité, justement, est un point de convergence avec d’autres acteurs du secteur, comme Accell. Mais VanMoof pousse l’intégration encore plus loin : chaque pièce du vélo est identifiée, chaque bug potentiellement traçable à distance. Une vision de plus en plus orientée vers le “diagnostic prédictif”, qui pourrait séduire autant les utilisateurs que les réparateurs.

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Une stratégie environnementale discrète mais structurée

Et sur la question environnementale ? VanMoof avance sans slogans ni greenwashing tapageur. « On ne communique pas à outrance là-dessus, mais tout est fait pour durer et pour être réparable », souligne Eliott Wertheimer. Dans les faits, la démarche est plus structurée qu’il n’y paraît : la marque a mis en place un passeport numérique pour chaque vélo, permettant d’identifier chaque composant grâce à un ID unique, depuis sa fabrication jusqu’à son assemblage. Cette traçabilité facilite non seulement la maintenance, mais aussi le suivi des pièces détachées et leur fin de vie.

En parallèle, VanMoof a ouvert un atelier dédié à la réparation de composants électroniques : des cartes mères y sont dessoudées, reprogrammées, réutilisées. Même logique pour les batteries et moteurs, dans une optique de réduction des déchets électroniques. L’entreprise travaille également à la désélectrification partielle de certains vélos en fin de cycle, afin de faciliter leur recyclage.

Si VanMoof reconnaît ne pas encore avoir la capacité d’agir sur l’ensemble de la chaîne – par exemple l’origine des matières premières comme le lithium –, elle s’inscrit dans une dynamique alignée avec les exigences croissantes de l’Union européenne sur l’éco-conception, la circularité et la responsabilité élargie du producteur. Une approche pragmatique et encore discrète, mais qui pourrait bien devenir un axe stratégique majeur à mesure que les contraintes réglementaires s’intensifient.

Une page tournée… ou en cours de relecture ?

À l’issue de l’entretien, une chose est claire : VanMoof ne cherche pas à nier son passé, ni à faire table rase. La marque assume ses erreurs, s’en nourrit, et avance avec un discours structuré, des outils concrets, et un vélo — le S6 — présenté comme le point de bascule. « On ne l’aurait pas lancé si on n’était pas sûrs à 100 % », affirme Eliott Wertheimer.

Sur le papier, les fondations semblent effectivement renforcées : réseau technique élargi, pièces fiabilisées, approche produit plus cadrée. Le discours est clair, l’intention est posée. Mais au-delà des mots et des promesses, il faudra voir si les faits suivent. La fiabilité annoncée sera-t-elle au rendez-vous ? L’organisation repensée tiendra-t-elle la charge à long terme ? Et surtout : les anciens clients suivront-ils, et de nouveaux publics adhéreront-ils au projet VanMoof 2.0 ?

Une chose est sûre : le contexte, lui, a changé. Le marché est plus mûr, plus méfiant, plus exigeant. Et c’est dans ce nouveau paysage que VanMoof va devoir convaincre, non plus par sa seule aura, mais par sa capacité à tenir dans la durée. Nous, en tout cas, on suivra ça de près.

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