AccueilVélo électriqueLe trop de choix en mobilité est-il en train de tuer le marché ?

Le trop de choix en mobilité est-il en train de tuer le marché ?

Illustration : un vélo électrique Anod - Visuel : J. Fdida

Si vous entrez dans une bijouterie, il y a fort à parier que vous n’aurez jamais plus de trois propositions sur le présentoir. Ce chiffre, souvent recommandé, vise à motiver l’achat et à conclure rapidement la vente. Car dans le commerce, un adage revient : trop de choix tue le choix. La mobilité, dans son ensemble, s’en est peut-être trop éloignée.

Avoir le choix est un luxe. Avoir trop de choix devient un casse-tête. La mobilité urbaine s’étoffe sans cesse : chaque semaine, de nouveaux concepts et solutions hybrides apparaissent, des engins qui échappent encore aux catégories légales. Pour des consommateurs sous pression financière, la complexité freine l’achat ou pousse à différer la décision.

Les spécialistes appellent cela la surcharge cognitive. Quand la complexité prend le pas sur le plaisir, le parcours d’achat s’interrompt. Des chercheurs ont montré que la densité urbaine et la surabondance d’options ou d’informations désorientent les usagers, limitent leur capacité de décision et donc la fréquence de l’usage ou de l’achat d’une nouvelle solution de mobilité.​

Pourtant, les chiffres du secteur sont robustes. Le marché européen des vélos à assistance électrique (VAE) a été évalué à 17,5 milliards de dollars en 2024, avec une croissance prévue de 3,8% par an jusqu’en 2034, soit environ 21,28 milliards anticipés pour 2025. L’Allemagne reste leader, pesant 4,9 milliards de dollars et près de 28% des parts du marché européen. Pour les trottinettes électriques, la croissance devrait être de 6,1% par an entre 2025 et 2032, soutenue par la pression réglementaire et les incitatifs favorisant des solutions moins polluantes.​

Mais les leaders industriels souffrent. Shimano a vu son chiffre d’affaires reculer de 5,2%, le groupe Accell affiche une perte de 390 millions d’euros, Giant accuse une baisse de 20%, Brompton recule de 5,3%, Scott a souscrit un prêt important, et la Manufacture Française du Cycle réduit sa production de 18%, sans hausse de valeur sur le marché français déjà en contraction de 5,9% entre 2023 et 2024.​

Ce paradoxe ne peut s’expliquer par les évolutions de l’automobile. Même si les petits véhicules électriques essaient de se tailler une place en ville, leur progression et celle de la voiture électrique en général, ne compensent pas la baisse globale observée sur nombre de segments de la mobilité.

La fragmentation extrême du marché éclaire sans doute mieux le phénomène. À force de multiplier des offres ultraspécialisées, les fabricants visent des micro-niches, diluent la demande et fragilisent la pérennité économique de chacun. L’innovation sature le marché, mais ne nourrit plus les acteurs historiques. Résultat : on observe une atomisation de l’écosystème où certains peinent à subsister, tandis que beaucoup de consommateurs restent frustrés ou indécis face à l’embarras du choix.

Alors, trop de choix tue-t-il vraiment le marché ? La mobilité urbaine n’a jamais offert autant de solutions, pourtant l’anxiété d’achat et la confusion dominent. Sur un marché atomisé, la sélection darwinienne semble déjà à l’œuvre : les plus agiles ou les mieux positionnés survivront, tandis qu’une grande partie du marché pourrait se perdre dans une jungle de micro-solutions réservées à quelques connaisseurs ou technophiles avertis. Les premiers cadavres (Vanmoof, Angell Bikes) poussent les consommateurs à s’orienter sur des solutions plus conventionnelles. Le scepticisme limitant le succès des innovations bien souvent propriétaires et, par conséquent, les ventes. Et cela, malgré le groupe Rebirth qui porte bien son nom. Un serpent qui se mord finalement la queue.

D’un autre côté, comment un produit qui mise sur le développement durable et l’écologie peut-il suivre le chemin de l’hype-consommation ? Il y a quelque chose d’antinomique. En réalité, pas tout à fait.

L’analyse du cycle de vie (ACV) offre une vision globale réaliste du bilan environnemental d’un véhicule, en tenant compte de toutes les étapes : fabrication, utilisation et fin de vie. Contrairement aux idées reçues, si la production d’un véhicule électrique (cadre, électronique, composants, batterie, transport) engendre un impact environnemental significatif, ce surcoût est compensé dès 10 000 km parcourus (environ) pour une batterie de 500 Wh. D’après Polytechnique Insights, cette batterie seule voit son empreinte carbone compensée après 2200 km (soit 4 à 6 mois de vélotaf).

Ainsi, en cas de changement, et dans la mesure où le marché est en croissance, le vélo déjà neutre en carbone se voit vivre une seconde vie via le marché de l’occasion. Une seconde main bien lavée, bien propre. De quoi pousser l’innovation et le changement en gardant bonne conscience.

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