Les gens (qui ne l’utilisent pas) détestent (à tort) la trottinette électrique

Imaginez un véhicule capable de se mouvoir en ville, facile à utiliser, consommant peu d’énergie, durable, qui prend la place d’un vélo pour enfant. Imaginez que cet engin permette même de transporter une seconde personne, comme sur une moto. Que la vitesse puisse osciller entre 25 km/h et 80 km/h, lui permettant d’emprunter les pistes cyclables ou la route, selon le modèle. Cerise sur le gâteau, imaginez cet engin presque 3 fois moins cher qu’un vélo équivalent, 10 à 32 fois moins gourmand que la plus sobre des voitures électriques et pouvant même porter vos courses ou vos colis. Voilà qui sonne comme étant la solution idéale aux déplacements urbains. Et pourtant…

Jouet pour enfants devenus grands, la trottinette est la malaimée des villes et de ceux qui n’en font pas. Pourtant, les vélos qui bombardent avec un empressement agaçant, les voitures qui sont conduites à l’aveugle, pendant que la personne au volant est plongée dans des vidéos TikTok, les professionnels de la route qui s’embrouillent avec des cyclistes peu enclins à pardonner une erreur tant qu’elle n’est pas de leur fait, ne semblent pas poser de problème.

Mais la trottinette, qui nécessite vos deux mains, votre concentration, votre implication aussi physique que mentale, qui roule ludiquement, rapidement, facilement, efficacement et silencieusement, en est visiblement un gros, de problème.

Alors des lois sont faites pour éradiquer cet engin du diable. La trottinette a ainsi essuyé plus de décrets à son encontre et « pour le bien de ses usagers » en deux ans, que l’automobile en cinq ou le vélo en trente. Elle a même eu droit, certes avec les autres EDPM que sont le skate et la gyroroue, à un plan national pour « une France plus verte ».

Un vote parisien contre ces engins en libre accès, qui ne poussaient pas à consommer bêtement, montrant que derrière les belles paroles et projets absurdes (pensez donc au téléphérique du Val De Marne), les villes sont incapables de gérer une poignée de sociétés proposant du libre-service. Alors demander à déployer une logistique intermodale… Autant affronter Nadal lors de sa première heure de tennis.

Une loi rétroactive, chose rare pour être mentionnée, a été votée pour limiter la longueur de l’engin et empêcher de monter à deux dessus. Loi qui a rapidement (moins d’un an) étendu cette longueur limite de 130 cm à 165 cm, preuve que les personnes qui les votent n’ont aucune idée du sujet qu’elles traitent. Du jour au lendemain, utiliser votre véhicule vous fait sombrer dans le délit, essuyant les simagrées d’un gouvernement dans le déni.

La trottinette est ainsi dangereuse… aux yeux des autres. Les chiffres le disent ! Et les chiffres ne mentent pas, non, ils manipulent. Ainsi, « Le nombre d’usagers en EDPM gravement blessés continue d’augmenter, avec plus de 600 blessés graves ces 12 derniers mois, en hausse de +19 % par rapport aux 12 mois précédents » peut-on lire sur l’observatoire national interministériel de la sécurité routière.

Les pourcentages sont le salut des chiffres sans consistance : +150% de blessés graves. En voilà une méthode visant à décrédibiliser « la trott ». Factuellement, c’est un passage de 10 morts l’année précédente à 15 morts ces trois derniers mois. Un mort reste un fait grave. Il est même possible de vous faire un peu plus frémir, puisque le nombre de morts est passé de 10 en 2019 à 41 en 2022.

Nombre de blessés graves et de tués. Les trottinettes représentant 51% des EDPM, les chiffres de cette catégorie sont à diviser par 2 (en plus d’être les plus bas).

 

Est-ce beaucoup ? Non. Car derrière ce « triste score » se trouvent d’autres nombres qui font peur : 100 000 trajets quotidiens et 2,5 millions d’utilisateurs. Et ceci, uniquement pour les trottinettes électriques qui représentent 51 % des EDPM.  Si la voiture, avec ses aides à la conduite affichait de tels chiffres, elle serait adulée. Des valeurs que les vélos n’ont jamais atteint, eux, qui permettent un don généreux de l’état pouvant aller jusqu’à 1500 euros, soit deux fois le prix moyen d’une trottinette électrique capable d’encaisser les 8000 km annuel du trajet au bureau sans broncher.

Il était donc temps de légiférer sur ce Véhicule Terrestre Motorisé. Un engin capable de se déplacer à la seule force de son moteur. Loin du vélo électrique, sauvé par l’assistanat.

Ainsi, rouler à deux sur une trottinette est une infraction quand placer 4 personnes sur un vélo est un acte citoyen. Débridez votre trottinette pour rouler à plus de 25 km/h, et votre daily idéal devient un délit bien illégal. Tandis que les accrocs du Tour de France en cuissard sur des roues en carbone titillent les 40 km/h sans se poser de question, ni s’inquiéter d’un quelconque dommage : selon la loi, ces derniers sont des usagers vulnérables de la route, les riders, eux, sont juridiquement l’équivalent d’un Forza 125 ou d’une Dacia Sandero. Quelle logique !


La trottinette est à la route, ce que le jet ski est à la mer.

Pourtant, cette machine est idéale : rapide, maniable, puissante, agile. Elle est moins encombrante et plus abordable qu’un vélo, plus efficiente qu’un scooter, équipée comme des motos sportives : freins Magura, contrôleurs renforcés, double motorisation, suspensions hydrauliques, éclairage visible de loin, étriers à 4 pistons, potence suspendue. Elle peut rouler partout, tout le temps, pour un entretien plus frugal qu’un vélo.

Une machine également ludique au point que des compétitions ont vu le jour, lui permettant de rejoindre la moto, le VTT, l’automobile ou encore, le vélo, sans jamais en avoir la considération.


L’eSkootr S1X est taillé pour la compétition.

Elle a sa place sur le périphérique parisien, surtout que certains modèles atteignent sans peine les 50 km/h. On pourrait au moins les autoriser à rejoindre la catégorie des cyclomoteurs légers, cette LE-1. Mais non, car il est tellement plus logique de laisser des ados de 14 ans rouler à 2 sur des scooters, moins maniables et n’offrant pas plus de sécurité plutôt que des titulaires de permis moto ou auto rouler sur des trottinettes.

La trottinette a prouvé que l’état se fiche de réellement améliorer les déplacements urbains et se fiche des solutions existantes. Que les gens se plaignent aisément de ce qu’ils ne connaissent pas et surtout, qu’il vaut mieux taper sur le véhicule le plus populaire des dix dernières années et statistiquement le moins dangereux, plutôt que de l’encadrer INTELLIGEMMENT en prenant quelques minutes pour le comprendre et en comprendre son usage.


Il faut des jours pour apprendre à faire du vélo, quand il suffit de quelques minutes pour savoir rouler en trottinette.

Entre temps, les utilisateurs n’ont que faire de la loi. Les parents accompagnent leurs enfants à l’école sur leur trottinette le matin. Les riders roulent sur la route sans ralentir le flux, le tout sans réelle assurance la plupart du temps, celle-ci étant si mal pensée et surtout, jouant sur des lois si floues et qui changent si vite qu’elle ne prendra rien en charge, là où une simple responsabilité civile protège le cycliste d’un choc à 35 km/h contre un piéton.

Car la trottinette est si parfaite dans son rôle de véhicule urbain, qu’elle mérite d’en prendre le risque. Et, excepté certains énergumènes qui se sont amusés à rouler à plus de 100 km/h sur autoroute, les autres savent se faire discrets.

La trottinette a rejoint le skate dans l’utilisation « underground » pour les gros modèles, et les vélos pour les autres itérations moins puissantes. En attendant qu’on lui permette d’exister de façon rationnelle et logique, elle continue de se vendre comme des petits pains. Et ce n’est pas le nouveau malus écologique, les transports en commun saturés, les vélos à plus de 2500 euros, les scooters qui ne peuvent plus traîner sur le trottoir, le périphérique limité à 50 km/h, les VAE impossibles à caser chez soi ou les motos affublées d’un contrôle technique qui vont diminuer cet enthousiasme social.


La solution à presque tous les problèmes de mobilité urbaine.

Le derailleur
Le derailleur

Sniper du deux-roues

Tous les 15 jours, Le Dérailleur s’invite à la rédac’ pour vous parler de vélos et de nouvelles mobilités. Coup de cœur ou coup de gueule, son avis est toujours très tranché et n’a pas vocation à engager l’ensemble de la rédaction.


Les bons plans trottinettes électriques

Tous les modèles de trottinettes électriques

Sur le même sujet

Annonces

Commentaires

12 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
Cyrille
4 mois il y a

Oui je déteste la trottinette électrique et votre article ne fait que renforcer ma detestation. J’ai pas plus tard qu’hier été confronté à l’incivilité, l’inconscience et l’irresponsabilité d’un trottinetiste électrique alors que je circulais à moto. Il alternait son trajet entre trottoir et chaussée, effarouchant les piétons, surgissant entre deux voitures en stationnement, me doublant en me frôlant par la droite, passant inopinément du coté droit au coté gauche de la voie de circulation, tout cela sans casque ni protections bien sûr ! Vous avez raison sur un point : la trottinette est très facile à conduire ; tellement facile que n’importe qui peut se sentir un pilote dont une majorité d’abrutis à mes yeux de motard, vttiste AE et electro-automobiliste.

Louis
5 mois il y a

J’ai apprécié l’article sauf les comparaisons « moqueuses » avec les autres véhicules.. En effet, je pense que les trottinettes ont ses avantages et inconvénients exactement comme les « adversaires » ; peut-être le problème le plus grand est qu’ils sont etés conçus plus ou moins comme des jouets.. Pour atteindre une certaine « maturité » ils devraient être plus étanches (https://www.cleanrider.com/actus/peut-on-rouler-en-trottinette-electrique-sous-la-pluie/), avoir roues plus hautes/larges et une fourche plus penchée etc

Philippe Grandclaudon
5 mois il y a

Bonjour, la personne qui a ecrit cet article se trompe totalement de cible, ce n’est pas la trotinette qui est détestée, mais ses utilisateurs sans gêne, grossiers, égoïstes qui laissent traîner n’importe comment et n’importe où les trottinettes en service partagé. Les pietons en ont marre de ces incivilités constantes et dangereuses. Les sociétés de locations auront beau faire, tant que les cons utiliserons ces engins, ça ne se passera pas bien

5 mois il y a

La question du civisme et des mauvais comportements est réglée puisque le vrai free-floating n’existe plus, aujourd’hui on doit prendre et rendre les trottinettes en libre-service dans des parkings dédiés comme les Velib’
Sans parler des villes où elle a été bannie, une mesure tellement intelligente qu’elle ne résoudra rien à terme.

Last edited 5 mois il y a by Eric Dupin
Clément
5 mois il y a

Mouai, je reconnaît l’utilité et la faible empreinte sur la route qui rende la trottinette logique et pratique pour circuler en ville. Mais en 2 roue colle ça ya le vélo qui est plus stable, plus rapide légalement et plus versatile.
Ensuite ya le côté sécurité, déjà la grande majorité des riders ne mettent pas de casque ce qui est une aberration en ville quand on a des si petite roue et que les gens roule souvent sans connaître le code de la route.
Perso je suis en Giroroue Kingsong KS S18 (oui c assez haut de gamme) mais j’ai commencé avec une Inmotion V8 à 500 balle d’occasion. C’est 1000 fois plus fun, la grande roue rend le truc très stable et permet de rider même en forêt, descendre des marche/trottinette. Avoir ses main libre permet de porter des courses facilement et être en équilibre sur une seul roue te donne un sentiment de devoir faire plus attention qu’avec un autre engin. Et aussi ya plus de gens avec des protections qu’en trottinette même si certain s’en foute et ça m’énerve car ça nous fait passer pour des crétins.
Autre avantage de la giroroue, les gens ne savent pas vraiment ce que c’est, on a pas mauvaise réputation et on peut rentrer dans les magasins avec sans soucis vu que c ultra compact.
Bref ça me flingue que ya des trottinette partout mais personne ne se dis que les giroroue c’est mieux.
PS ah oui je peut aussi faire courrir mon chien vu que je peu tenir la laisse facilement voir la lâcher si ya un soucis.
Que des avantage

5 mois il y a
Reply to  Clément

« le vélo qui est plus stable, plus rapide légalement et plus versatile »
Le vélo n’est pas plus rapide, trottinette et VAE sont bridés normalement à 25 km/h. On peut aller plus vite en VAE ou en musculaire mais au prix d’un effort qui ne tient que quelques minutes.
Quant à la versatilité, en déplacement urbain je n’en suis pas convaincu. On peut aller plus facilement dans certains lieux en trottinette qu’en VAE, et ne parlons pas de la possibilité de la ranger sous son bureau ou dans un placard à la maison. Nombre de citadins aimeraient rouler en VAE mais y renoncent car aucune solution sécurisée de parking, et trop gros dans un appart (surtout si immeuble sans ascenseur).

Louis
5 mois il y a
Reply to  Eric Dupin

/// On peut aller plus facilement dans certains lieux en trottinette qu’en VAE, et ne parlons pas de la possibilité de ranger sous son bureau ou dans un placard à la maison \\\

Les VAE pliables peuvent être (presque) aussi maniables que les trottinettes, et le poids est à peu près le même..

5 mois il y a
Reply to  Louis

Exact pour l’encombrement, pour le poids je suis moins sûr. Et il y a la contrainte du pliage, qui peut être fastidieuse (on peut aussi plier une trott mais c’est optionnel et plus facile/rapide)

Jérémy
5 mois il y a
Reply to  Louis

Viser un vélo pliable restreint énormément la liste des vélos potentiels.
Légalement on plafonne à 25km/h.
L’entretien du vélo est plus cher.
Le poids est discutable.

Louis
5 mois il y a
Reply to  Clément

/// personne ne se dis que les giroroue c’est mieux \\\ Je crois que pour beaucoup de gens le gyroroue est trop instable et/ou trop difficile à gérer (au moins initialement)

Jérémy
5 mois il y a
Reply to  Clément

Si le moteur de la trottinette se coupe, la trottinette continue sur sa lancée, pas la Gyroroue. La Gyroroue qui se coupe, c’est la chute assurée.
J’ai fait de la Gyroroue pendant des années et la chute est vite arrivée. Autre chose : faire de la trottinette s’apprend en 10m8n, la Gyroroue c’est nettement plus long.
La Gyroroue coûte également beaucoup plus cher pour des prestations équivalente.
Et la Gyroroue impose un équipement de motard.
Les Trottinettes reposent sur 2 roues donc sont plus stables à faible vitesse.

Clément
4 mois il y a
Reply to  Jérémy

Concernant la facilité d’apprentissage c en effet plus long, environ une aprem, si le moteur se coupe on tombe direct en effet, mais avant que ça arrive faut vraiment faire une erreur vu le nombre de sécurité dans la roue. Je suis tombé quelque fois, a cause du moteur qui s’est coupé mais a chaque fois c’est ma faute, j’en demandais trop au moteur (soit en accel soit en freinage) et jamais la faute de la roue qui couperai pour rien.
Ensuite niveau stabilité a faible vitesse je ne vois pas ce que tu veux dire, je peu rouler au pas si je veux et c’est plus a haute vitesse que ça devient tendu en cas de whooble de la mort.
En effet la giroroue est plus cher mais elle a aussi plus d’autonomie pour le même poids et surtout elle a beaucoup plus de perf qu’une trottinette, je ne connais personne qui descend des marches en trottinette, ni promène son malinois en foret en trottinette alors qu’en giroroue c’est génial. La grande roue de 16 ou 18 pouce défonce n’importe quelle trottinette en terme de prestation.
Et pour finir face a une voiture, que tu sois en giro ou en trot t’as intérêt a être harnaché, ok le full combo de protection de moto c’est peut être too much (quoi que) mais le casque c’est un minimum quand tu roule sur la route.