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Hors-la-loi par nécessité : la mobilité de l’ombre

Parfois, il ne suffit pas de grand-chose : une interview hors sol d’un membre de l’assemblée dans un journal populaire, des lois qui sont si absurdes qu’elles se contredisent elles-mêmes. Des solutions de mobilités qui tentent de réparer des fractures. Et des décisions prises par des gens qui n’en subissent jamais les conséquences. Mettez tout ça dans un mixeur avec un peu de progrès, vous obtenez un univers underground qui évolue en marge de la loi, quand celle-ci fait du sur place et semble ne plus comprendre le monde qu’elle régit.

Le saviez-vous, le vélo à assistance électrique est le seul véhicule dont la puissance et la vitesse sont limitées. Les 250 W autorisés font sourire, surtout quand on vit en hauteur, avec 15 % de pente au quotidien. Certes, le rapport d’Emmanuel Barbe va dans le bon sens, mais d’ici là, les choses peuvent changer et ce ne sera pas suffisant.

Vous rentrez du boulot et en profiter pour vous déchainer sur votre gravel flambant neuf, prêt à lâcher la pression. Et là, un vieux monsieur, mains dans le dos, vous double en sifflotant. Pas une goutte de sueur. Pas un bruit. Le speedbike a perdu sa plaque depuis longtemps. Il roule pépouze sur une piste cyclable où il n’a rien à faire, mais où il devrait être chez lui.

Même topo pour cette femme, qui parcourt chaque jour 70 bornes aller-retour sur sa trottinette rouge suspendue. 45 km/h sur une piste vide, entre grande couronne et métropole. Qu’elle mette deux fois moins de temps est une certitude. Qu’elle prenne deux fois plus de risques est une hypothèse.

Le mal ? Le diable ? Un confrère a titré un jour qu’en ville, qu’il valait mieux rouler à vélo débridé qu’en voiture. La loi, elle, dit le contraire. Elle autorise un engin de 2,3 tonnes, 700 kW, 240 km/h. Mais interdit un engin de 24 kg avec 2 kW de puissance roulant à 45 km/h. Cherchez l’erreur.

Dans la vraie vie, tout le monde triche. Pas par plaisir. Par nécessité. Parce que derrière chaque infraction, il y a une équation de temps, d’argent, de risque et de survie. Ce vieux monsieur pour rentrer plus tôt aider sa femme. Cette femme, pour passer un peu de temps chez elle, dans sa maison, qu’elle paye à crédit, mais qu’elle n’habite presque jamais. Ajoutez les enfants à récupérer dans une société qui leur est de moins en moins propice, les repas qu’il faut se préparer pour éviter de s’empiffrer de nourriture industrielle, source intarissable de problème de santé ou juste du temps pour soi, pour le sport, le repos et profiter un peu de la vie. Un temps précieux que les utilisateurs de mobilités ont récupéré aux embouteillages et autres problèmes voyageurs des solutions alternatives.

Il y a également une réalité pragmatique : l’argent, le flouze, le pognon, la thune. Un engin de déplacement personnel (EDPM) ou un bon vélo électrique coûtent peu à l’achat, peu à l’entretien, peu à l’utilisation. L’énergie nécessaire à recharger une batterie de 1 kWh coûte à peine 0,25€. Et ça, c’est sans compter la recharge au travail, qui revient à moins de 10 € par mois pour l’employeur, une paille à côté de la dépense nécessaire à la recharge d’une voiture électrique et 4 fois moins cher que le complément du pass Navigo.

Et la sécurité dans tout ça ? Les parents disent toujours « attention aux voitures », jamais « attention aux vélos ». Les chiffres aussi.

Le clivage du bien et du mal sert à gonfler les stats sur Twitter et à chopper des voies dans les urnes. Mais il fait fit d’une réalité qui s’est imposée d’elle-même. Face à des voitures de plus ne plus onéreuses, des solutions communes saturées et un besoin de s’éloigner pour se loger tant les prix sont disparates, la micro-mobilité, à force d’être méprisée, joue sa carte en toute discrétion.

Le vrai problème, ce n’est pas d’être hors-la-loi pour se déplacer aujourd’hui.
C’est qu’il faille l’être pour pouvoir encore se déplacer et profiter un minimum de sa vie.

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