Cindy utilise sa monoroue électrique au quotidien pour se rendre au bureau

Sur des gyroroues

À peine plus d’un an en arrière, Cindy n’imaginait pas qu’un jour, elle essaierait, maîtriserait et adopterait une gyroroue pour ses déplacements. Au point d’en oublier sa voiture.

Un engin qui se glisse sous le siège du train

Gyroroue, monoroue, monocycle, etc. : Plusieurs noms pour cet engin de déplacement personnel électrique méconnu, effrayant pour certains et véritable mode de vie pour d’autres qui n’hésitent pas à se lancer dans un tour du monde avec. « Pour moi, c’est gyroroue, et même roue tout simplement », commente Cindy, 32 ans, pratiquante depuis environ un an.

Elle utilise la sienne au quotidien pour rejoindre son lieu de travail : « Je me rends de chez moi à la gare d’Haguenau avec la roue et un sac sur le dos. Dans le train, je peux la glisser sous le siège. Arrivée à Strasbourg, je la reprends pour aller à mon bureau. Ce qui fait 8 à 9 km en tout dans la journée. Greg, mon copain, utilise aussi une roue tous les jours, pour une distance d’une dizaine de kilomètres ».

Son engin, c’est une Ninebot Z10 : « C’est un modèle qui n’est pas très apprécié sur le marché, car il a une roue très large [NDLR : 18 pouces avec pneu de 4 pouces de large] qui se traduit par une conduite un peu particulière. Comme j’ai appris dessus, ça ne me dérange pas. Je l’ai achetée d’occasion sur LeBonCoin à 500 euros. À ce prix, c’était une véritable affaire, car une roue, c’est cher. Neuve, elle se trouvait encore l’année dernière entre 1 500 et 1 800 euros sur AliExpress ».

Pour les vacances aussi

La Ninebot Z10 est équipée d’un moteur de 1 800 W qui fonctionne sous 54 V. Pouvant fournir en pic jusqu’à 3 000 W, elle est équipée d’une batterie dotée d’une capacité énergétique de 995 Wh : « J’ai une autonomie d’environ 60 km. En inconvénient, son temps de recharge de 6 heures assez long. Lors des balades, la brancher une heure lors de la pause déjeuner ne permet pas de retrouver beaucoup de rayon d’action. Avec Greg, quand on a fait une sortie avec les Wheelers de Lyon, on a dû rentrer en train ».

Cindy utilise sa roue dans de nombreuses situations : « Et par tous les temps. Je fais quelques courses avec, en choisissant les magasins qui m’autorisent à conserver ma roue avec moi, que je tire par son trolley. Quand je connais bien la personne, je la lui laisse. Il m’arrive de prendre plus d’articles que je pensais au départ. Si ça ne rentre pas dans mon sac à dos, je tiens le reste à la main ou dans un cabas si besoin ».

Gyroroues

Pour les vacances aussi : « La seule limite, c’est l’avion. À cause de la batterie, nous ne pouvons pas embarquer nos roues dedans. En prenant le train, nous sommes allés en vacances à Perpignan. Nous avons rejoint le lieu d’hébergement avec nos roues et les avons utilisées pour nous balader le long de la côte ».

« Elle est bizarre votre valise »

Où rouler avec une gyroroue ? « De préférence, nous empruntons les pistes cyclables, sinon c’est sur la route. La Ninebot Z10 peut filer jusqu’à 45 km/h, mais il est possible de limiter à 25 km/h. Ça se fait grâce à l’application smartphone qui enregistre les parcours, permet de suivre sa vitesse et renseigne sur l’état de la batterie. Sur la route, avec une roue, on fait plus attention aux autres, aux piétons, cyclistes et voitures ».

Ces engins ne sont pas vraiment connus ni développés en France : « Ce qui a ses avantages et ses inconvénients. Comme elles sont très chères, ça limite l’usage et élimine des personnes qui pourraient la pratiquer n’importe comment. On n’en voit pas en libre-service à traîner dans les rues. Trouver quelqu’un pour les réparer, c’est compliqué ».

Les roues attirent l’attention : « Pour les gens, on est comme des extraterrestres. On m’a déjà dit : ‘Elle est bizarre votre valise’ quand je tire ma Ninebot Z10 par son trolley, ou ‘C’est dangereux votre truc’. Mais on fait attention. Si on doit se faire remarquer, que ce soit en bien et pas en mal ».

L’apprentissage

Aujourd’hui, Cindy pratique sa roue avec une grande aisance. Elle a pourtant découvert ce petit véhicule en fin d’année dernière : « Je l’ai depuis novembre 2022. À la base, je n’étais pas destinée à monter sur ce genre d’engin. C’est mon copain qui m’a décidée et même un peu poussée à essayer. Lui-même à ce moment-là utilisait un petit Segway pour se rendre au travail. Il est passé à la roue en juillet 2022. Il est allé en train chercher la sienne à Cannes. Il a passé deux heures avec le vendeur, puis il a effectué directement un trajet de 10 km avec ».

La comptable alsacienne a en revanche éprouvé quelques difficultés : « Ça me terrifiait. J’étais catastrophée à la seule idée de monter dessus. Ma mission numéro 1, ç’a déjà été de tenir dessus avec les deux pieds, adossée contre un mur. Je faisais un blocage. Il m’a fallu un ou deux jours pour y arriver. Au bout d’une semaine, j’allais de l’entrée jusqu’au bout du garage ».

Beaucoup aurait abandonné, pas Cindy : « Avec Greg, on regardait des vidéos le soir en retenant ce qu’il ne faut pas faire avec une gyroroue. On appliquait le lendemain. À cause des appuis, j’avais mal aux mollets. J’avais des bleus sur les deux jambes. Maintenant, je ne touche plus, sauf quand je tourne ».

Une grève des trains en déclic

Au bout de 15 jours de découverte, Cindy ne se sentait pas forcément vraiment prête à utiliser une roue au quotidien : « Il a fallu une grève pour que je m’y mette. Avec moins de trains, les wagons étaient bondés. Je ne pouvais plus embarquer mon vélo. Entre mes jambes, la roue ne prend pas beaucoup de place. Comme elle pèse quand même 24 kg, la hisser dans le train ou un rack demande un bon coup de poignet. Le poids est un défaut. Il m’empêche, par exemple, de prendre un modèle avec davantage d’autonomie, certains font 40 kg ».

Piloter une roue se fait avec son corps : « On s’incline vers l’avant pour avancer, vers l’arrière pour ralentir. Pour tourner, le mouvement de la tête va entraîner tout le corps automatiquement. J’ai gagné en aisance sur tout. Pour ne pas passer sur un trou, il faut regarder ailleurs, et surtout pas là où on ne veut pas aller ».

Cindy sur sa gyroroue

Même si elle a osé quelques positions, notre interviewée ne néglige pas un élément important : « J’ai essayé de rouler en levant une jambe. Aussi en position assise pour se reposer lors de longues balades, mais la Ninebot Z10 n’est pas faite pour ça. Pour la sécurité, j’ai un casque intégral, des genouillères et une veste de moto avec des protections ».

Chutes et arrêts d’urgence

Peut-on imaginer se mettre à la monoroue sans risquer la chute ? Cindy en a connu quelques-unes au début : « Sans gravité heureusement. Mon copain en a vécu une plus sérieuse il n’y a pas très longtemps. Il a deux roues, une grosse et une plus petite. Il a trop demandé à cette dernière qui ne peut donner autant. Alors le moteur s’est coupé, ce qui fait piquer les pédales vers l’avant, vers le sol ».

Sans prévenir ? « Normalement si. Par exemple par un bip sonore émis à partir d’une certaine vitesse pour inviter à ralentir. Il y a aussi le Tilt Back qui fait relever un peu les pédales vers l’arrière. Mais si on n’écoute pas ces signaux, on risque la coupure brutale du moteur. C’est ce qui arrive aussi quand la batterie est vidée ».

La Ninebot Z10 est équipée du freinage régénératif. Comment ça se passe pour un arrêt d’urgence et/ou lorsqu’un feu tricolore passe à l’orange ? « En général, les gyroroues ralentissent très bien. Certaines ont des poignées. Sur les plus grosses, il est souvent possible de s’accroupir dessus ».

La voiture reste au garage

Cindy n’utilise quasiment plus sa voiture : « Si je vais voir mes parents dans la semaine, elle fera environ 30 km. Sinon, elle ne bougera pas ou presque. Avec la roue, j’éprouve du plaisir rien qu’avec la vitesse et un grand sentiment de liberté. On peut aller vite et loin avec un engin comme ça ».

Elle ne préfèrerait pas avoir une trottinette : « Elle prendrait davantage de place dans le train et serait moins pratique dans les escaliers. J’ai des collèges qui en ont et ne comprennent pas que j’utilise une roue. Je me déplace parfois avec l’un d’eux et je suis obligée de l’attendre. Il m’a dit : ‘Ça donnerait presque envie’ ».

La wheeleuse de l’est n’a pas réussi à convaincre son entourage d’adopter sa philosophie : « Ma maman a juste mis une fois les deux pieds dessus. Une petite anecdote pour la fin : j’ai gardé la chienne de mes parents cet été ; elle a adoré se promener avec Greg et moi alors que nous étions sur nos engins ».

Cleanrider et moi-même remercions beaucoup Cindy pour sa disponibilité et son témoignage très intéressant.

Philippe SCHWOERER
Philippe SCHWOERER

Journaliste

Auteur et journaliste, Philippe est un passionné de voitures électriques et de nouvelles mobilités depuis de très nombreuses années.


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