Moteurs, reconditionné, connectivité, rapport à l’usage… Dans la continuité de notre première interview dédiée à la stratégie, William Perrier, directeur général d’Accell France, revient pour Cleanrider sur la vision produit du groupe, qui chapeaute des marques comme Lapierre, Winora, Haibike ou encore Ghost, et sa façon d’aborder l’innovation dans un marché en recomposition.
À Dijon, où est implantée l’une des usines clés du groupe, nous retrouvons William Perrier, directeur général d’Accell France. Après un premier échange consacré à la stratégie Accell de relance post-crise, nous avons poursuivi l’entretien sur un terrain plus technique : celui des produits et de l’innovation.
Comment Accell, groupe européen qui chapeaute notamment Lapierre, Winora, Haibike et Ghost, pense-t-il le vélo électrique d’aujourd’hui et de demain ? Quelles priorités guide son développement ? Et surtout : comment rester cohérent et crédible dans un marché devenu plus exigeant ?
À lire aussiEntretien exclusif avec William Perrier (Accell) : Lapierre en fer de lance d’un plan de reconquêteDans notre échange, nous avons demandé à William Perrier d’expliquer les choix techniques opérés par Accell, à commencer par les motorisations. Chez Lapierre, la présence de Bosch n’est pas une surprise. C’est un choix historique, mais aussi stratégique. « Il y a un côté confortable avec Bosch, parce que ça parle à tout le monde », explique William Perrier.
Mais Accell ne mise pas tout sur une seule motorisation. « On n’est pas enfermés dans un partenariat exclusif. Sur nos marques germaniques, on est avec Yamaha. On observe aussi ce que font d’autres motoristes comme Mahle, Shimano ou DJI ». Une pluralité qui permet d’ajuster la réponse à la diversité des usages et des marchés.
Quant à la possibilité de développer un moteur maison, comme l’ont fait certains concurrents, la réponse est prudente : « Il y a eu des projets, il y a des projets, il y aura des projets. Mais ce n’est pas d’actualité en France. » Une façon de rappeler que cette décision se joue à l’échelle du groupe, et dans une logique industrielle lourde.
Côté usages, les chiffres sont clairs : en France, la mobilité électrique est devenue la locomotive du groupe Accell. « Aujourd’hui, sur deux vélos vendus par Accell France, un est un vélo de mobilité à assistance électrique », résume William Perrier. La croissance de la marque Winora, qui s’est structurée autour des grands réseaux comme Cyclable, Culture Vélo ou Mondovélo, en est l’un des symboles. « On a remis Winora au centre du jeu, avec une gamme lisible, bien distribuée. Et ça se traduit dans les ventes. »
À l’inverse, le VTT électrique marque le pas. « Le marché est calme. Aujourd’hui, j’ai un 625 Wh, je rentre de ma sortie, j’ai de la batterie. Pourquoi j’irais payer plus cher pour du 750 ? » Même la mise à jour du système Bosch Performance Line CX en 2024 n’a pas suffi à relancer l’intérêt : « Ça a fait redescendre le soufflé. » Pour autant, le potentiel reste là : « On vient de lancer un nouveau VTTAE avec la technologie Pinion. Ce genre d’innovation – moteur et boîte de vitesses intégrée – peut relancer la catégorie. »
Le sujet du vélo reconditionné occupe une place importante dans les réflexions du groupe, et William Perrier y apporte un engagement personnel. « Pour moi, c’est un enjeu sociétal. Ce serait une erreur qu’on ne s’y intéresse pas en tant qu’industriel. »
Accell travaille aujourd’hui avec Upway, mais aussi avec la startup lyonnaise Rutile. Lapierre a ainsi codéveloppé un label de reconditionnement pour structurer l’offre et rassurer les clients. « L’idée de ce partenariat, c’était de qualifier en tant que marque le marché de la seconde vie. On a aussi codéveloppé une certification pour rassurer les consommateurs. C’était venir encadrer un peu ce marché qui aujourd’hui s’est développé sans l’aide des marques, mais qui, pour moi, c’était essentiel que les marques redeviennent actrices. »
Un centre de reconditionnement en propre ? « Il y a eu des réflexions, il y en aura encore. Mais on n’y est pas. » Pour l’instant, le groupe préfère accompagner l’écosystème plutôt que le verticaliser.
À quoi ressemblera un vélo à assistance électrique en 2030 ? William Perrier le dit d’emblée : « Là, c’est William qui parle. » Mais sa vision est claire. Deux tendances de fond guideront l’évolution du produit : la compacité, d’abord. « C’est clair qu’on va vers des systèmes plus petits, plus compacts. » Et la connectivité, ensuite.
Il évoque des services concrets : sécurité antivol, maintenance à distance, paramétrage simplifié. « La deuxième évolution qu’on prend vraiment au sérieux chez Accell, c’est toute la partie connectique, le fameux vélo intelligent. Venir intégrer la technologie et la connectivité dans le quotidien de l’usage du vélo, c’est la tendance de fond. » Une plateforme commune est en développement à l’échelle du groupe.
Et au-delà de la technologie ? Il insiste sur un point souvent oublié : la culture vélo. « Je suis de la génération qui a passé son permis vélo à l’école. Il faut le réinstaurer. Ce n’est pas un projet 2030, mais un projet sociétal. Comment on fait pour réintégrer le vélo dans notre culture collective ? »
Au terme de cette double interview, une ligne claire se dessine : William Perrier défend une vision du vélo fondée sur l’expérience, la cohérence, et le respect du terrain. L’innovation ne vaut pour lui que si elle reste utile, pragmatique et soutenable – qu’il s’agisse de technologie, d’organisation ou de distribution.
Pour conclure l’entretien, il revient sur une question posée en filigrane tout au long de l’échange, celle du management à 35 ans :
« Et pour répondre tout à l’heure à la question, à 35 ans comment on gère une entreprise ? Les convictions et le bon sens, pour moi, permettent à n’importe quel âge de gérer n’importe quelle entreprise. »
Un rappel que, dans un secteur en mouvement, c’est souvent le bon sens et la capacité à rester fidèle à ses convictions qui font la différence.
À lire aussiEntretien exclusif avec William Perrier (Accell) : Lapierre en fer de lance d’un plan de reconquêteLa suite de votre contenu après cette annonce