Nous venons de vivre la canicule la plus intense et la plus longue depuis que nous sommes capables de mesurer des températures. Ce sont entre 4 et 11 jours consécutifs au-dessus des 35°C en France, un pays réputé pour être tempéré. Et si nous sommes parés pour beaucoup de révolutions techniques, la chaleur, elle, nous a mis K.O. Elle a divisé plus fort qu’une mesure politique. Elle a montré la limite humaine, au travers de salles de classe à plus de 30°C, de zones critiques (hôpitaux, Ehpad) irrespirables et surtout, elle a montré que nous allons devoir modifier nos modes de vie, définitivement. Une ouverture digne de l’intro de The Walking Dead.
La réponse à tout ça ?… La souffrance, la punition, la décroissance…
Parce que l’humain est responsable de son déclin. Et il doit se repentir. Il doit souffrir pour comprendre et se faire pardonner. Une approche sacrément spirituelle pour un constat scientifique. Le confort ? Mais quel confort ? C’est ainsi que les écologistes adeptes du punitif se sont frotté les mains, entre deux essuyages de front, du moins, pour celles et ceux qui ne se plaçaient pas honteusement sous une climatisation.
Une sorte de jouissance teintée d’un « je vous l’avais dit ! Bien fait, Cheh ! »
Pas l’adaptation.
Pas une remise en question des vrais leviers.
Pas des solutions réalistes. Non, un balayage d’un revers de la main, avec des solutions fondées sur des principes physiques dignes d’un film hollywoodien, crachant sur les lois qui régissent le monde, urinant sur la complexité d’un système qui les sert royalement chaque jour, déféquant sur le bon sens.
L’humain est méchant, qu’il paie ! Dans cette guerre contre un dérèglement climatique réel, même les enfants doivent en prendre plein la tête. Cela leur fera les pieds, aux parents.
C’est une vision presque mystique du problème, plus proche d’un dogme sectaire que des rapports du GIEC.
Adieu confort. Même quand il est neutre en carbone, même quand il sauve des vies.
À croire que pour certains, la fin du monde n’est pas à éviter, mais à mériter.
Alors on condamne. On morigène. On dénonce les “mauvais élèves” qui osent respirer sous une clim, pendant qu’on commande des gadgets sur Wish, sur son smartphone, confortablement assis à l’arrière d’une voiture, avec chauffeur. Et on désigne des coupables à la volée — surtout ceux qui souffrent déjà.
Il est si facile de monter les humains les uns contre les autres quand la température se prête à échauffer, voire à brûler les mœurs.
Ainsi, le Français lambda est le bouc émissaire idéal.
Il est Celui qui galère déjà. Celui qui garde, qui répare, qui compte. Celui qui bosse loin, qui n’a pas les moyens de faire “transition”, ni de se payer un vélo cargo à 5 000 €.
Celui-là, on l’accuse. Parce que c’est facile. Parce qu’il ne crie pas aussi fort que les influenceurs faussement verts.
Et pendant qu’on lui tape sur les doigts, on débat… de la climatisation.
Oui, la clim. Alimentée par du nucléaire, donc faible en émissions. Qui sauve des vies en été. Mais c’est trop confortable, paraît-il. Pas assez sacrificiel.
Parce que dans cette vision de l’écologie, l’humain ne compte pas. Seule la planète compte. Elle qui, rappelons-le, a déjà survécu à cinq extinctions.
Oh que c’est facile de blâmer l’excès d’opulence quand on a connu l’austérité qu’à travers un petit écran. Une projection mentale d’un idéal fondé sur le manque de culture et de notion des ordres de grandeur.
Le vélo, symbole involontaire de l’effort, de la sueur, de l’inconfort.
Alors, il est rangé, sans procès, dans la boîte noire de l’écologie punitive.
Pourquoi pédaler à 40 °C, quand on a la clim ? Pourquoi se faire mal, s’épuiser, transpirer, souffrir ?
C’est l’argument réflexe. Le même qu’en hiver, sous la pluie, dans le froid.
Le vélo serait un sacrifice. Une punition. L’antithèse du progrès.
Il en est pourtant tellement loin ! Nous en avons d’ailleurs dressé un tableau dans le tout premier édito de cette rubrique.
La souffrance n’est pas obligatoire. Elle n’est qu’une image déformée, nourrie par les extrêmes des réseaux et quelques éditorialistes en roue libre.
Changer ses habitudes, ce n’est pas souffrir. C’est apprendre.
Comme reprendre le sport. Comme changer de job.
Les débuts sont durs, mais ce n’est pas une punition. C’est une adaptation.
Ce qui est punitif, c’est de laisser des enfants cuire dans des salles à 30°C.
C’est de laisser les plus fragiles mourir de chaud.
C’est de pousser à la dépression à force de pression.
C’est de dire à des gens au point de rupture qu’ils ne peuvent plus partir en vacances annuellement, parce que voyager, c’est mal.
C’est rendre l’occasionnel grave, car on se refuse à améliorer réellement le régulier.
Le monde n’est pas binaire. Ce n’est pas tout ou rien.
Ce n’est pas SUV ou vélo en sandales biodégradables.
Il y a une zone grise. Celle du bon sens, de l’équilibre, du compromis intelligent.
Le vélo n’est pas une punition.
La voiture électrique n’est pas une punition.
Les EDPM ne sont pas des punitions.
Ce qui punit, c’est le dogmatisme. Ce qui sauve, c’est la nuance.
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