Comment les gros SUV grignotent la place des vélos

Après les trottinettes électriques en libre-service, la mairie de Paris tente une consultation pour mettre en place dans la capitale une tarification spécifique pour le stationnement des gros véhicules. Dans une étude qui vient d’être publiée et qui approuve cette initiative, l’ONG Transport & Environnement (T&E) pointe la prise de volume des voitures particulières qui réduit la place des usagers, dont celle des cyclistes, au péril de leur vie.

Plus larges que les places de stationnement des grandes villes

Selon une enquête de la fédération européenne pour le transport et l’environnement publiée le 22 janvier 2024, les voitures prennent globalement un centimètre de largeur tous les deux ans. En moyenne, hors rétroviseurs, elle s’est relevée de 177,8 cm en 2018 à 180,3 cm au premier semestre de l’année dernière.

La tendance est même plus nette avec les gros SUV de luxe. T&E cite en exemples le Land Rover Defender et le Mercedes X5 qui ont pris respectivement en six ans 20,6 et 6 cm de plus, et ce n’est pas en longueur. En 2023, le Volvo EX90 s’est élargi de 4,1 cm. Derrière, les modèles intermédiaires et compacts adoptent le comportement de la grenouille de La Fontaine « qui se veut faire aussi grosse que le bœuf ».

Ainsi, en ne retenant que les 100 modèles les plus vendus l’année dernière, 52 % des véhicules nouvellement immatriculés dépassaient 1,80 m en largeur, sans compter les rétroviseurs. Jusqu’où ira cette expansion ? Sans doute pas plus loin que la limite imposée sur les voitures neuves dans l’Union européenne. Elle est de 255 cm, et c’est la même pour les camions et les autobus. Or, nombre de villes parmi lesquelles Paris, Londres et Rome imposent une largeur qui démarre à 180 cm de large pour les places de stationnement.

Un danger bien réel

Pas de mystère, les voitures plus larges que les emplacements empiètent forcément sur un trottoir et/ou la voie de circulation. Les automobilistes concernés feront le plus souvent le choix de grignoter le trottoir quand c’est possible. Non pas en pensant à la sécurité des cyclistes, mais plutôt de crainte que le véhicule soit endommagé par un autre en mouvement dans la rue.

Pour rendre très explicite le problème, T&E a mis en scène la situation pour une voie européenne standard à sens unique avec des places de stationnement des deux côtés. Le tout présente une largeur de 730 cm. Avec trois voitures (une garée à droite, une autre à gauche, et une troisième en mouvement) mesurant chacune 180 cm hors rétroviseurs, soit 200 cm quand ils sont déployés, il ne reste plus au mieux qu’environ 130 cm pour dépasser un cycliste. Le code de la route impose à l’automobiliste de laisser à ce dernier au moins un mètre en agglomération.

Ça passe, à condition que le conducteur serre bien sur une des voitures en stationnement. Avec des modèles d’une largeur de 200 cm, soit 220 cm en comptant les rétroviseurs, l’organisme calcule qu’il n’y a plus que 70 cm pour dépasser le cycliste qui devra lui aussi serrer au maximum sur les véhicules garés. Et là, il y a franchement danger, et l’action n’est d’ailleurs pas autorisée par le code de la route.

Selon T&E, les grosses voitures font peser des risques aux cyclistes

Une prise de volume qui déplaît

Dans le meilleur des cas, l’automobiliste attendra une situation plus favorable pour effectuer le dépassement. Si seulement c’était une généralité ! Non seulement un gros SUV en ville fait courir des risques aux cyclistes et réduit la place des autres usagers quand l’engin empiète sur un trottoir, mais en plus il rend la conduite compliquée et stressante. Sans compter le désagrément pour tous les occupants dont la place est réduite pour descendre lorsque le véhicule est garé dans un parking souterrain entre deux autres aussi développés en largeur.

Avec l’arrivée des SUV, ce n’est pas seulement l’empreinte au sol qui a grandi. Il y a aussi la hauteur. A ce sujet, T&E rapporte qu’une augmentation de 10 cm à l’avant accentue de 30 % le risque de décès d’un piéton ou d’un cycliste heurté.

L’espace public grignoté par des voitures toujours plus grandes, « ce n’est pas l’avenir plus propre, plus radieux et plus vert que souhaitent les citoyens », a assuré Barbara Stoll, directrice de la campagne Clean Cities. Le sondage effectué par son groupe montre « qu’environ deux tiers des Parisiens sont favorables à des frais de stationnement plus élevés pour les véhicules gros, lourds et polluants ».

Recommandations de T&E

Que faire pour limiter le développement des grosses voitures dans les rues ? Transport & Environnement a émis deux recommandations en conclusion de son étude. Tout d’abord que les législateurs européens révisent à la baisse la largeur maximale des futures voitures particulières neuves vendues en Europe.

La seconde préconisation donne raison à Anne Hidalgo. L’élue a prévu de lancer le 4 février prochain une consultation auprès des Parisiennes et Parisiens inscrits sur les listes électorales pour une facturation différenciée du stationnement. Elle pourrait être triplée pour les plus gros modèles.

L’ONG espère même des péages selon l’encombrement pour circuler dans les villes, en particulier dans celles où un système de paiement existe déjà pour entrer dans certaines zones.

Quel résultat probable ?

Le « Oui » pourrait-il l’emporter ? Très certainement et pour plusieurs raisons. Pour quasiment les mêmes qui ont amené la mairie de Paris à interdire les trottinettes électriques en libre-service dans la Capitale.

N’iront principalement voter que les personnes qui se sentent gênées par les grosses voitures. Déjà parce que les utilisateurs de ces dernières sont majoritairement domiciliés hors de Paris et ne pourront donc pas se prononcer. Ensuite parce que les Parisiens qui seraient contre la facturation différenciée se sentent moins concernés, pensent que les jeux sont déjà faits en faveur d’une telle mesure, et auront moins envie de se déplacer.

Si une tarification spécifique aux gros véhicules pour le stationnement était mis en place à Paris, elle aurait valeur de précédent pour de nombreuses capitales et grandes villes en Europe.

Philippe SCHWOERER
Philippe SCHWOERER

Journaliste

Auteur et journaliste, Philippe est un passionné de voitures électriques et de nouvelles mobilités depuis de très nombreuses années.


Tous les modèles de vélos électriques

Sur le même sujet

Annonces

Commentaires

13 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
gamaresh
3 mois il y a

Et encore de la mauvaise foi.Un SUV n’a pas d’empreinte au sol supérieur à un monospace ou à un break dont il est la déclinaison. En outre si les gens achètent des SUV c’est bien qu’ils en trouvent l’utilité. En plus cette terminologie ne veut rien dire en soit. Même un Renault Captur est une SUV. Même la dacia Spring est un SUV. …
Bref trop militant tout ça et trop donneur de leçon. On quitte la sphère de l’information là. Ça ne me plaît pas.

Louis
3 mois il y a
Reply to  gamaresh

Oui en effet il y a des monospace qui ont une empreinte au sol comparable á celle des SUV (voir sites web comme https://automobiledimension.com/), ces derniers ont une mauvaise réputation surtout pour leur diffusion plus importante (mais à vrai dire aussi pour leur pire utilisation de l’espace intérieur..)

Toto
3 mois il y a

Du baratin, la mairie de Paris tourne autour du pb des véhicules qui étouffent Paris depuis des décennies. Interdiction du transit pour tous les véhicules, interdiction des thermiques quel que soit le nb de roues, dvpt des transports en commun et des pistes cyclables sécurisées.

Jojo
3 mois il y a
Reply to  Toto

Radical, mais certainement efficace. Un tram dans Paris intra-muros comme cela existait avant le lobby de la voiture. Vous auriez mon côté.

Jojo
3 mois il y a

Il n’y a pas grand chose que je regrette du moyen-âge, mais le péage à l’entré de certaines villes fait cependant parties des choses qui me manquent. Faisons payer au prorata du revenu l’entrée en ville.

Ce serait une bonne troisième mesure, en plus du reste. Après le prix des places de parking ça reste du soin palliatif, mon idéal ce serait tout simplement d’interdire les mastodontes en ville et se limiter à des citadine type C1.

3 mois il y a
Reply to  Jojo

« Faisons payer au prorata du revenu l’entrée en ville. »
Ah ben oui, et tant qu’à faire, faisons tout payer au prorata des revenus, pourquoi s’arrêter juste à l’entrée dans les villes ? On se demande pourquoi on n’y a pas pensé plus tôt.

Jojo
3 mois il y a
Reply to  Eric Dupin

La Finlande et la Grande Bretagne appliquent déjà ce procédé pour les amendes, espérons rattraper ce retard avec même de l’avance. Cela permettra d’éviter les réflexions de « la place de parking vaut 135€ ici » ou « tu peut rouler à 50 en face de l’école, ça te coûte juste si tu te fait prendre » .

Pipobimbo
3 mois il y a
Reply to  Jojo

au pro rata du revenu… la belle blague, nous voilà en régime soviétique – complètement hors sol

Jojo
3 mois il y a
Reply to  Pipobimbo

Ah oui, le Royaume Uni et la Finlande, ces pays soviétique !

gamaresh
3 mois il y a
Reply to  Jojo

Bah bien sûr tiens. Et idem pour la nourriture, la culture, les loisirs, allez, tout gratuit pour les pauvres, tout payant pour les riches.
Vive les soldes alors !
Vraiment n’importe quoi.

Jojo
3 mois il y a
Reply to  gamaresh

Ou ais-je dit que ça devait être gratuit pour les pauvres ? Plus cher pour les riches, oui.

Jojo
3 mois il y a
Reply to  Jojo

De ce que je vois de l’ensemble des réponses, c’est qu’il n’y a aucune argumentation. Je ne suis pas contre les riches, mais ceux-ci voient une amende de 135€ comme un smicard achète une baguette.

Si les deux payaient un stationnement très gênant l’équivalent de 4 jours de salaire, ça ferait certainement réfléchir les deux.

ARNAUD
3 mois il y a
Reply to  Jojo

C’est clair que tout est question de contribution à hauteur de ses revenus, pour un truc équitable. Que chacun contribue en fonction de ses revenus ! Et un peu plus de solidarité. Le centre ville en bagnole c’est complètement dépassé. Espérons que cela ne prenne plus 20 ans pour que cela change radicalement !