La trottinette électrique est-elle vraiment dangereuse ?

La trottinette électrique et ses dangers réels ou présumés est au centre de toutes les attentions. Mais qu’en est-il réellement ?

Dans l’éventail des engins individuels de mobilité urbaine qui ont éclos ces dernières années, la trottinette électrique est celui qui a connu la plus forte progression. En attendant les chiffres de 2022, sachez qu’il s’en est vendu 908 000 unités en 2021, ce qui représente une progression de 42% d’une année sur l’autre. Un marché qui a été multiplié par 10 en moins de 5 ans puisque les premiers chiffres datant de 2017 indiquent 102 000 trottinettes électriques vendues cette année-là.

A titre de comparaison, l’autre grand acteur du marché, le vélo à assistance électrique, arrive sur la deuxième marche du podium avec 660 000 unités écoulées en 2021 contre 515 000 en 2020, soit une hausse de 28% par rapport à l’année précédente. Une progression significative, mais moins exponentielle que celle de la trottinette électrique, qui confirme donc bien son statut de star de la micro-mobilité.

Et encore, ces chiffres ne tiennent-ils pas compte des flottes de trottinettes en libre-service ou free-floating (mais de moins en moins) qui arpentent les rues des grandes villes, avec notamment des opérateurs comme Tier ou Dott. Étonnamment, il est difficile d’obtenir des chiffres cohérents au niveau national, mais en recoupant certaines statistiques on peut estimer le nombre de trottinettes en libre-service à environ 50 000 en France (il y en avait 22 000 selon Fluctuo en janvier 2021, mais on peut s’interroger sur la validité du chiffre quand on sait que son baromètre ne compte pas la ville de Lyon, probablement la plus importante en la matière derrière Paris).

Quoiqu’il en soit, cette déferlante ne va pas sans poser quelques problèmes, parmi lesquels des questions de comportements, d’incivilités et leur corolaire immédiat, celui de la sécurité.

Je pratique personnellement la trottinette électrique (en alternance avec le VAE, largement majoritaire dans mes usages) depuis 2016, date des débuts de la vague des trottinettes made in China. J’utilise également occasionnellement, mais assez régulièrement, des services de libre-service comme Dott ou Tier.

Une évolution énorme des usages et de la technologie en 5 ans

En 6 ans, j’ai vu l’évolution incroyable de ces engins, en termes d’usages, de technologies, et de sécurité. Ma première trottinette électrique était la première version de la Xiaomi Mi, que je possède encore, et qui fonctionne toujours pour me dépanner sur de petits trajets quand je suis pressé et que je n’ai pas le temps – ou la flemme – de les faire à pied (comme aller chercher la voiture au parking à 2 km de mon domicile par exemple). Même si son look général n’a pratiquement pas changé en 6 ans, cet engin de 2016 accuse le poids des années, notamment en termes de sécurité. Le freinage est totalement aléatoire, le disque arrière est davantage là pour la déco (quand il n’est pas tout simplement voilé donc inutilisable), la potence de guidon donne d’inquiétants signes de faiblesse en raison d’un jeu trop important à la jointure qui permet de la plier. Bref, puisque nous parlons de sécurité, j’en arrive même à me demander comment un tel engin a pu obtenir une homologation sur notre territoire, dans un pays où l’on adore pourtant contraindre à grands coups de réglementations parfois hors sol.

J’ai d’ailleurs eu droit à mon accident à son guidon, quand, suite à un défaut de batterie, le moteur (situé dans la roue avant) s’est coupé de façon intempestive, déclenchant le frein moteur et donc un freinage violent qui m’a fait passer par-dessus et m’éclater l’arcade sourcilière, la joue, le coude et le genou sur le macadam à 20 km/h. Non je ne portais pas de casque, mais je m’en suis bien sorti. J’avoue qu’à l’époque, mettre un casque en trottinette ne m’avait pas effleuré l’esprit une seule seconde, me voyant davantage comme un « piéton augmenté » que comme un conducteur de deux roues motorisé avec tous les dangers potentiels que cela implique.

Cela dit, je me rassurais en me disant que je n’étais pas seul puisque cette typologie d’accident avait aussi fait la une des gazettes il y a quelques années avec les trottinettes Lime, qui freinaient aussi de façon brutale et inattendue quand leur batterie donnait des signes de faiblesse, envoyant leur pilote par-dessus bord.

Comme on le constate quand on s’intéresse de près à la question, et que l’on est utilisateur soi-même,  la sécurité en trottinette électrique concerne tous les acteurs, à savoir les utilisateurs, les fabricants, les opérateurs, les autres usagers de la chaussée, les responsables de l’aménagement urbain, le législateur, et… les piétons.

Il est clair que la trottinette électrique peut présenter des risques si elle n’est pas utilisée de manière responsable, que ce soit en ville ou ailleurs.

Les dangers liés au manque de prudence des conducteurs

Le manque de prudence des conducteurs de trottinette électrique peut également être une source de danger. Par exemple, rouler trop vite ou en état d’ébriété peut augmenter les risques d’accidents. Il est donc important de respecter les limitations de vitesse – ce qui signifie utiliser une trottinette homologuée et non débridée et donc plafonnée à 25 km/h) et de ne pas prendre de risques inutiles. En outre, il est essentiel de porter un casque et des vêtements de protection, comme des genouillères et des coudières, pour minimiser les blessures en cas de chute ou de collision.

Les dangers liés aux autres usagers

L’un des principaux dangers de la trottinette électrique est la possibilité de collision avec d’autres véhicules ou piétons. En ville, il est fréquent de croiser des voitures, des camions, des bus, des vélos et d’autres trottinettes électriques, ce qui peut augmenter le risque d’accidents. Pour éviter ces dangers, il est important de respecter les règles de circulation et de signalisation, et d’être vigilant en tout temps. Par exemple, il est recommandé de rouler sur les pistes cyclables lorsque cela est possible et autorisé, et de regarder attentivement avant de tourner ou de changer de voie.

Les dangers liés aux dégradations et pièges de la chaussée

Enfin, les dégradations et les pièges de la chaussée peuvent également être une source de danger pour les conducteurs de trottinette électrique. Par exemple, les trous, les bosses et les rails de tramways peuvent causer des chutes ou endommager la trottinette. Il est donc important de rester vigilant et de rouler à une vitesse adaptée à l’état de la chaussée. Si vous roulez sur une chaussée endommagée, ralentissez et faites attention aux obstacles potentiels. Clairement, un nid de poule relativement anodin à vélo ou indolore en voiture peut en revanche faire valdinguer très fort un trottinettiste pas assez vigilant. Plus encore qu’à bord d’un autre véhicule, l’attention et l’anticipation sont clé pour assurer sa sécurité en trottinette électrique.

En fait, en trottinette électrique, au-delà de la vigilance, la maîtrise et une perception accrue et aiguisée de son environnement immédiat sont primordiaux. S’il existe un danger supplémentaire inhérent à cette pratique, il relève la nature même et de l’architecture de l’engin, qui rend difficiles les freinages puissants (au risque de se faire éjecter) ainsi que les évitements soudains et brutaux, qui sont soit impossibles, soit synonymes de chute assurée, du fait du ratio entre diamètre des roues, hauteur de la potence et station debout. Un peu comme à ski, où les accidents se multiplient également.

Cela étant, il convient de relativiser ce danger. Selon un rapport de l’opérateur Lime, présent à Paris et dans de nombreuses villes européennes, la fréquence des accidents a progressé plus de deux fois moins que le nombre de trajets effectués au guidon de ses machines. Ainsi, sur une période de 12 mois d’août 2021 à juillet 2022, le nombre de blessés utilisant un engin de déplacement personnel motorisé a augmenté de près de 180% par rapport à 2019, mais l’usage de ce mode de déplacement a pour sa part bondi de 500%. Ce qui, en données relatives, constituerait donc un indice de baisse de l’accidentologie.

Près de 99,9 % de trajets sans accident

Selon Lime, « À Paris, un trajet en trottinette Lime commence toutes les quatre secondes ». En parallèle, les accidents liés aux trottinettes sembleraient avoir eux aussi augmenté. L’opérateur précise en outre dans son rapport qu’entre janvier 2020 et juin 2022, « plus de 99,99 % des trajets à Paris se sont déroulés sans accident et parmi les 0,01 % de trajets entraînant un accident, 87 % ne nécessitaient aucune attention médicale. » Par ailleurs, 79 % de ces accidents seraient des chutes individuelles et seulement 2 % impliqueraient une collision avec un piéton.

Un moyen de transport qui serait donc aussi sûr que le vélo et plus sûr que les deux-roues motorisés, toujours selon le rapport de l’opérateur. Une affirmation confirmée par les données de la Sécurité routière recoupées avec celle des trois opérateurs, Lime, Dott et Tier : « 17 fois moins d’accidents graves en trottinettes qu’en scooter et six fois moins qu’à vélo. »

Alors, dangereuse la trottinette électrique ?

Probablement pas tant que cela, et seulement en cas de mauvaise utilisation. Que faudrait-il faire pour en améliorer la sécurité ? Comme nous l’avons vu précédemment, c’est une question vaste qui concerne toutes les parties en présence. Sans prétendre avoir la clé pour résoudre d’un coup de baguette magique l’intégralité du problème, voici quelques pistes.

Côté utilisateurs

De la prudence, de l’anticipation, porter un casque, avoir un engin en parfait état de marche notamment au niveau du freinage, éviter les trottinettes surpuissantes capables de vous propulser à plus de 70 km/h, privilégier les pistes cyclables et voies de bus quand c’est possible et autorisé, ne pas frôler les voitures en stationnement, ralentir à l’approche de piétons, a fortiori ceux avec un casque audio sur les oreilles, même si vous êtes sur la chaussée et eux sur le trottoir, même s’il n’y pas de passage piéton à proximité.

Côté fabricants

Proposer des engins au freinage puissant et facilement dosable, stables, maniables (ce qui est parfois peu compatible), et pourquoi pas des fonctions intelligentes comme la détection d’obstacles et de nids de poule ou l’alerte de véhicule proche.

Côté opérateurs

Pas grand chose à signaler de ce point de vue, Dott et Tier notamment ont très favorablement fait évoluer leurs machines afin de répondre aux cahiers des charges des municipalités, et leurs trottinettes sont devenues très sécurisées et rassurantes avec un freinage puissant et équilibré, et une stabilité optimale. On est clairement dans une évolution intelligente et bien menée. D’ailleurs on aimerait avoir sur le marché de la trottinette en vente aux particuliers des équivalents des derniers modèles de ces opérateurs, robustes et sûres.

Côté autres usagers de la chaussée

On sait qu’il devient de plus en plus compliqué et hasardeux de s’aventurer en centre-ville au volant d’une voiture, et pas seulement pour des raisons écologiques. L’attention doit désormais redoubler en tous instants et à 360 degrés avec l’émergence des moyens de déplacement individuel qui surgissent de partout, tout le temps. Quand on conduit une auto en ville, il est de notre responsabilité de penser « trottinettes » car leur nature spécifique fait que c’est une catégorie en plus, entre piéton et vélo.

Côté responsables de l’aménagement urbain

Le déploiement des pistes et voies cyclables se poursuit à un rythme élevé dans les métropoles européennes (et même en dehors, en zones péri-urbaines) et c’est une bonne chose aussi pour les trottinettistes. Peut-être faudrait-il imaginer quelques zones « mixtes » qui permettraient à ces derniers de partager l’espace de façon sécurisée avec les piétons, des mini-pistes sur les trottoirs les plus larges, réservées exclusivement aux trottinettes ?

Côté législateur

Les règles sont déjà claires, mais peut-être serait-il utile de mettre de l’ordre dans les différentes catégories et puissances, ce qui éviterait de se retrouver sur un trottoir nez à nez un monstre de 50 kilos à vide capable de taper les 80 km/h, une rencontre du troisième type malheureusement de plus en plus fréquente. Imposer également aux aménageurs de voies cyclables de tenir compte des trottinettes afin d’éviter des revêtements trop hostiles aux petites roues.

Côté piétons

Dans le cas de « contact rapproché » entre trottinettiste et piéton, le plus exposé n’est pas toujours celui que l’on croit. Nombreux sont les accidents où c’est un piéton inattentif qui traverse sans regarder au passage d’une trottinette, et qui envoie cette dernière dans le décor, soit à cause d’un contact, soit sans contact suite à une manœuvre d’évitement du trottinettiste. Et parfois, les dégâts sont du côté du pilote de la trottinette, le piéton n’ayant été qu’effleuré. Il faut bien se dire que si le piéton est vulnérable, le trottinettiste l’est tout autant, et que chacun doit faire attention à l’autre dans la même mesure.

En conclusion

La trottinette électrique reste un moyen de déplacement qui n’est pas exempt de risques, comme n’importe-quel engin motorisé, mais l’éducation des comportement, la prudence, un matériel en bon état et une infrastructure adaptée devraient permettre de limiter le nombre des accidents, et surtout leur gravité. Malheureusement, là non plus le risque zéro n’existe pas, comme c’est le cas pour tous les modes de déplacement.

Spécialiste en innovation dans le domaine du digital et fan d’automobile et de nouvelles mobilités, Eric est éditorialiste sur Cleanrider où il anime la rubrique Roue Libre.


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Commentaires

2 Commentaires
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Cinos
1 année il y a

Ah la statistique, le troisième mensonge.
Il peut paraître logique que si le nombre d’incidents augmente mais que le nombre de distance augmente lui aussi alors on considère que les premiers sont en retrait.
Et si on utilise le sens commun pour faire parler cette stat alors d’aucun se dira que la personne qui loue un tel véhicule et fait partie de la stat d’incident n’y reviendra pas forcément, ce qui signifie que les distances longues sont maintenant plus à mêmes d’être parcourues par les plus prudents.

Untypelambda
1 année il y a

Les trottinettes ce vends bien mieux que les 2RME mais pas non plus phénoménale comparait aux vélos, car hors agglomération elle n’est pas autorisée. Généralement elles ne sont pas équipés de bons freins, pourtant une paire hydraulique Shimano mt200 avec disques faut compter seulement une centaine d’euros pour un particuliers pour obtenir un distance de freinage plus courte de 40% et éviter des drames.