Certaines contraintes imposées aux opérateurs de trottinettes en libre-service vont à l’encontre de la commodité, mais surtout de la sécurité des usagers.
À deux jours du vote proposé aux Parisiens pour décider du sort des trottinettes électriques en libre-service, et alors que l’on a maintenant bien compris que les équipes de la Ville de Paris sont devenues hostiles au « monstre » qu’elles ont contribué à créer, rappelons que d’autres villes ont mis en place des réglementations visant à sécuriser et apaiser leur usage.
C’est le cas de Lyon notamment, qui a pris quelques mesures visant à faciliter l’intégration et la cohabitation des trottinettes en libre-service (ne dites plus free-floating car cela n’en est plus) avec les autres occupants de la chaussée.
Des mesures la plupart du temps saluées et acceptées par les commentateurs, mais qui ne font certainement pas l’unanimité chez les utilisateurs. Si l’idée d’interdire l’accès aux trottinettes électriques en libre-service aux mineurs est certainement une mesure de bon sens (même si on aurait peut-être pu fixer la barre à 16 ans et non pas à 18 ans), d’autres règles peuvent poser problème, dans leur esprit, ou dans leur mise en application, notamment du fait d’une technologie qui n’est pas adaptée. Voici deux cas concrets.
L’une des premières obsessions des services de l’aménagement urbain et de la voirie, ainsi que des « anti », est celle de l’occupation anarchique de l’espace public par des engins déposés n’importe où et n’importe comment. C’est une réalité, mais force est de reconnaitre qu’elle est souvent exagérée. Combien de fois est-on réellement gêné dans son parcours de piéton par une trottinette mal garée ? Probablement pas plus souvent que par un vélo, un scooter, une voiture ou une camionnette de livraison. Or on ne parle pas d’interdire ces derniers.
Qu’à cela ne tienne, les municipalités ont décidé de prendre cette question à bras-le-corps en créant des zones de parking assignées aux trottinettes, la plupart du temps en transformant des places jusque-là réservées au stationnement automobile. Soit. Le problème avec cette démarche est que la notion même de « free-floating », qui constitue quand même le principal attrait de ce mode de déplacement, disparait de facto. Avec un effet de bord immédiat : dans certains cas, utiliser ce type de service n’a tout simplement plus aucun intérêt, car le temps pris pour effectuer la manœuvre, additionné au temps de marche ajouté pour se rendre ou revenir du parking, annulent le temps gagné en trottinette.
Et ce a fortiori quand les parkings sont mal signalés, et qu’il faut s’arrêter, descendre de sa trottinette, enlever ses gants, sortir son smartphone de sa poche pour tenter de trouver un parking sur le plan illisible de l’application. Le tout en plein hiver… Cela m’est arrivé récemment. Jusque-là je pouvais garer une Dott ou une Tier devant chez moi, sur un parking à vélos et scooters. Pour une raison assez mystérieuse, ce n’est plus possible, j’ai donc dû reprendre l’engin et tourner 10 mn dans le quartier pour trouver le bon emplacement, qui se trouve à plusieurs centaines de mètres de mon domicile. Non seulement cette manœuvre est exaspérante à effectuer quand on est pressé, ce qui peut la rendre dangereuse, mais il est clair que cette nouvelle contrainte va fortement réduire l’intérêt, et donc l’usage, de ce mode de transport. En bref, en ce qui me concerne – et je ne suis certainement pas le seul dans ce cas – je ne louerai plus de trottinette dans ces conditions pour des trajets de moins de 15 minutes, alors que c’était jusqu’à présent un cas d’usage parmi les plus fréquents.
Maintenant si c’est une stratégie de la municipalité pour réduire, voire tuer le service en dégoûtant ses utilisateurs, alors bravo, c’est gagné.
Un autre effet de bord des zones de parkings assignés au trottinettes ne semble pas vraiment avoir été anticipé, celui de la facilitation de la vandalisation de masse. A l’occasion des dernières manifestations à Lyon, des dizaines de trottinettes ont été prises sur ces zones de dépôt et utilisées pour détruire le mobilier urbain, ou ont été jetées sur la chaussée devant le parking où elles étaient sagement garée. Des comportements rendus faciles par ces aires de stockage de masse, alors que jusqu’à présent la vandalisation était isolée et anecdotique.
Nous avons déjà eu l’occasion de le mentionner ici, et nous en sommes encore plus convaincus à l’usage et à l’épreuve du temps : toute forme de bridage contraint et inopiné d’un véhicule en mouvement est une aberration sécuritaire. L’idée de départ est pourtant bonne, puisqu’elle consiste à ralentir de force les trottinettes en libre-service de 20 à 10 km/h (voire moins) quand elles circulent dans une zone qui leur est interdite, généralement sur des trottoirs, des places publiques ou certains secteurs « protégés » des centres urbains. Problème, ce genre de restriction nécessite une localisation au mètre près, voire moins, et la technologie de géolocalisation par GPS n’est pas encore assez précise, ce qui conduit souvent à de nombreux « faux positifs », autrement dit à des ralentissements violents et surtout intempestifs alors que l’on est sur la chaussée, mais que le système croit qu’on est sur un trottoir.
C’est l’exemple même d’une mesure de prime abord pertinente, mais dont la mise en application pratique est désastreuse, et surtout dangereuse, du fait de la limite de la technologie. Avec pour effet extrêmement sympathique et rassurant de devoir pratiquement sauter de sa monture bloquée d’un coup en-dessous de 10 km/h sans raison, alors que vous êtes sur une voie vélo-taxi-bus parfaitement autorisée, et qu’un bus arrive pleine balle derrière…
Alors oui, il faut réglementer et rendre l’usage des engins électriques en libre-service encore plus sûr, acceptable et plus convivial pour tout le monde, mais évitons de tomber dans des mesures mal pensées et contreproductives, voire dangereuses. Quand on lit les dernières décisions en la matière, on se dit que l’on est peut-être sur la bonne voie, et que le ministre actuel en charge du dossier garde une attitude ouverte vis-à-vis de ce mode de transport car il semble bien en avoir saisi les enjeux, mais gare aux mesures inutiles ou qui vont encore compliquer un peu plus la tâche des opérateurs sans rien apporter aux usagers. Qui croit par exemple sérieusement que la plupart des utilisateurs de trottinettes en libre-service vont utiliser les clignotants, et que cela va renforcer leur sécurité ? Ce qui est sûr en revanche c’est que cela va représenter une contrainte technique supplémentaire pour les fabricants, et un accessoire de plus à vandaliser, ce qui aura forcément une répercussion sur le coût de location… et sur l’environnement.
De toute façon, la question risque – malheureusement – d’être vite réglée pour les utilisateurs parisiens. Verdict dimanche…
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