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Comment VoltR ressuscite les batteries des vélos électriques

En plus de durcir progressivement les objectifs de valorisation des matières des batteries, la législation européenne veut encourager leur seconde vie. Partenaires, VoltR et Batribox sont déjà engagés dans cette voie. Nous avons rencontré les responsables de ces deux structures lors d’une visite à l’usine pilote de Verrières-en-Anjou (49), près d’Angers.

Depuis sa création en 1999 sous sa première dénomination Screlec, Batribox collecte et recycle des piles et batteries usagées. L’année dernière, l’éco-organisme en a récupéré 6 300 tonnes, en s’appuyant sur ses 32 222 points de ramassage répartis dans toute la France, y compris en outremer. Pour aller encore plus loin dans la vertueuse démarche, la collecte se fait à Lyon avec Elise au moyen de tricycles à assistance électrique.

Puisque la réglementation européenne va vers une prise en compte de toutes les batteries, Batribox ambitionne d’étendre son activité aux cinq familles d’accumulateurs : appareils portables (outillage électrique, smartphones, ordinateurs, consoles de jeux, etc.) ; moyens de transport légers (trottinettes, vélos, scooters, etc.) ; véhicules électriques (voitures, utilitaires, camions, autobus, etc.) ; usages industriels ; éclairage, démarrage et allumage (la batterie 12 V des voitures par exemple).

Objectifs européens

Concernant les batteries au lithium, les objectifs de rendement du recyclage sont fixés par la législation européenne à 65 et 70 % à échéance des 31 décembre de 2025 et 2030. Le matériau lithium lui-même aura ses propres taux de valorisation évoluant de 50 % fin 2027 à 80 % quatre ans plus tard. Pour ces deux étapes, des chiffres bien supérieurs pèsent sur le cobalt, le nickel, le cuivre et le plomb : 90 et 95 %.

Au terme des années 2028 et 2031, le pourcentage des quantités d’accumulateurs des moyens de transport légers collectées est déjà scellé à 51 et 61 %. Désormais, la réglementation européenne s’intéresse aussi à la seconde vie, avec un pourcentage minimal de 2 % pour 2027 et 5 % à horizon 2030 de batteries faisant l’objet d’une opération de réemploi, de réaffectation ou de remanufacturage.

Si ces taux peuvent nous apparaître assez chiches, Alban Régnier, l’un des quatre cofondateurs de VoltR, et Emmanuel Toussaint-Dauvergne, à la tête de Batribox, mesurent toute l’organisation que ça peut exiger en termes d’usines à ouvrir et de process à mettre en place afin d’accueillir les importants volumes. Ensemble, les deux structures s’y préparent. En témoigne l’usine pilote localisée à proximité du parc des expositions d’Angers.

Scénarios de la seconde vie

Réemploi, réaffectation, remanufacturage : Batribox sait très bien distinguer ces trois termes. Le réemploi est l’opération par laquelle des produits devenus des déchets « sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement » qu’un contrôle, un nettoyage et/ou une réparation. La réaffectation et le remanufacturage s’appuient sur des process préalables communs que nous avons pu découvrir à l’usine pilote ligérienne : démantèlement de la batterie, analyse de chacune des cellules, et tri de celles-ci en fonction de leurs futures nouvelles destinations.

A partir des éléments identifiés comme encore exploitables, le remanufacturage consiste à reformer une batterie qui sera exploitée pour « la même finalité ou application que celle pour laquelle elle a été initialement conçue ». Avec toutefois deux contraintes : mettre ensemble des cellules homogènes (tolérance de 3 %), et rétablir une capacité énergétique d’au moins 90 % par rapport à celle d’origine.

La réaffectation diffère du remanufacturage par un nouvel usage qui sera différent. C’est, par exemple, le cas quand des cellules servant auparavant pour une trottinette électrique vont être utilisées dans un luminaire. « Avant le recyclage de leurs matières, les cellules pourraient suivre plusieurs fois les schémas de réemploi, remanufacturage et réaffectation », a souligné Emmanuel Toussaint-Dauvergne lors de sa présentation à l’usine pilote le mardi 10 juin 2025.

Trois catégories de fournisseurs de cellules

Pour VoltR, Batribox entre dans l’une de ses trois catégories de fournisseurs de batteries et cellules : les éco-organismes. Dans le cadre de leur partenariat, sur 8 tonnes de batteries collectées, 85 000 cellules ont été identifiées depuis 2024 comme pouvant être réutilisées en seconde vie grâce à une capacité résiduelle moyenne (ou SoH) de 94 %. Par rapport aux modèles chinois neufs, celles qui sont à nouveau employées présentent une empreinte en équivalent carbone moindre de 86 %. Grâce à cela, le fruit de la collaboration entre VoltR et Batribox se traduit par une économie en émissions CO2 de 4,5 tonnes, soit trois allers-retours Paris-New York en avion.

Autre catégorie de fournisseurs pour l’usine pilote, les recycleurs historiques, comme Veolia, par exemple. « Pour eux, devoir traiter les batteries représente une charge économique. C’est aussi un enjeu de sécurité, car ils connaissent davantage de départs d’incendie depuis qu’ils reçoivent les packs lithium. Le risque d’emballement thermique est très réduit chez nous », a indiqué Alban Régnier.

Les industriels forment la dernière catégorie qui approvisionne le site : « Avec Lime, par exemple, nous bénéficions d’un contrat d’exclusivité pour traiter les batteries usagées de leurs trottinettes électriques ».

Livraison Batribox à l'usine pilote VoltR
Arrivée des batteries Lime à l'usine pilote VoltR
Usine pilote VoltR : Batteries de vélos électriques Lime
Usine pilote VoltR : Batteries de vélos électriques Lime

Démantèlement à la machine ou à la main

Ce sont d’ailleurs d’abord des batteries Lime qui vont être démantelées devant nous grâce à une machine développée en interne. Elle découpe au laser la plaque de nickel qui maintient les cellules. Pour des raisons de confidentialité industrielle, nous n’avons pas pu prendre cette opération en photo. Contrairement à celle effectuée un peu plus loin manuellement avec des éléments provenant d’aspirateurs Rowenta : « La machine pourrait être utilisée aussi pour eux, mais il faut compter environ une demi-journée pour lui apprendre à travailler sur une nouvelle batterie ».

Les cellules sont ensuite récupérées à la main. Commence alors pour elles tout un parcours afin d’identifier celles qui pourront à nouveau être exploitées. L’entreprise travaille principalement avec le format cylindrique 18650 : « Elles représentent 90 % des batteries en Europe. Comme les Chinois se sont positionnés sur ce format, tous les industriels dans le monde se sont alignés dessus ».

Selon le cofondateur de VoltR, trois raisons principales expliquent que des batteries se retrouvent hors service : « Le plus souvent, c’est un BMS de moindre qualité pour des questions de coût qui est en cause. Ensuite nous avons le cas des soudures qui sautent. La troisième raison, c’est quand une cellule n’a plus une capacité résiduelle interne suffisante ». Si, dans une batterie, une cellule a son SoH qui décline à 50 %, « toutes les autres seront limitées à 50 % lors des recharges ».

Evaluation de l’état des cellules

Pour évaluer la qualité des cellules, VoltR a développé un carrousel avec huit points de contrôle concernant en particulier le voltage, la résistance interne, l’aspect extérieur grâce à une caméra piloté par un logiciel maison, et l’impédance par spectroscopie. Cette machine élimine ensuite par « guillotinage » les traces de nickel des soudures. A l’issue de ce petit tour de manège, les éléments qui peuvent être à nouveau exploités (environ 70 %) reçoivent un QR Code d’identification qui rappelle en particulier la provenance (batterie d’origine + conteneur d’expédition). Un millier de cellules sont ainsi étiquetées à la journée.

Le test ultime est celui du cyclage. Durant huit heures, il consiste en une phase de décharge profonde puis de recharge : « Cette opération permet de déterminer la capacité résiduelle avec une précision de 17 chiffres derrière la virgule ». Elles sont ensuite mises en attente dans des cartouchières de 256 cases.

Usine pilote VoltR : Démantèlement à la main d'une batterie lithium
Usine pilote VoltR : Chambres climatiques à atmosphère contrôlée
Usine pilote VoltR : Test de cyclage des cellules
Usine pilote VoltR : Cellules testées
Usine pilote VoltR : Soudure 4 points des cellules

Selon des résultats obtenus, il sera possible d’orienter ces éléments vers telle ou telle utilisation. L’entreprise a pour cela besoin d’estimer le comportement futur des cellules. C’est pourquoi elle s’est équipée de quatre chambres climatiques à atmosphère contrôlée : « Pendant quelques mois, nous faisons vivre ici aux cellules leur seconde vie en accéléré, avec une succession de décharges/recharges ». Seul un échantillon par type (modèle, fabricant) subit ce traitement.

VoltR équipe les anciens vélos électriques des facteurs

L’IA de prédiction du comportement des cellules a été développée en interne avec l’aide de doctorants qui se retrouvent dans la philosophie environnementale de VoltR : « Ce qui nous permet, par exemple, de déduire que telles ou telles cellules pourront servir encore cinq ans dans un vélo électrique, dix ans sur des lampadaires ou seulement six mois avec une perceuse électrique qui demande davantage de puissance ».

Pour Leroy Merlin, la jeune entreprise doit réunir 150 000 cellules à trouver dans l’actuel stock d’environ un million d’unités. La Poste fait aussi partie des clients qui apprécient particulièrement les batteries composées avec des cellules en seconde vie. Tout comme l’entreprise d’insertion Nouvelle Attitude qui reconditionne pour les revendre les anciens vélos à assistance électrique des facteurs.

VoltR propose à son catalogue ses modèles Silverfish (36 V – 16 Ah – 576 Wh) et Hailong (36 V – 15 Ah – 540 Wh) garantis 2 ans ou 500 cycles et identifiés comme « Made in France ». Il est également proposé la réalisation de packs sur-mesure : « Nos batteries en seconde vie sont compatibles avec 50 % des VAE et sont certifiées aux normes européennes de sécurité, comme des neuves ».

Meilleures que des neuves

Ce qui peut paraître à peine croyable, c’est que les clients estiment que les batteries en seconde vie de VoltR sont de meilleure qualité que les neuves. Déjà, la jeune entreprise soigne tout particulièrement ses packs en réunissant des cellules parfaitement homogènes. Ce n’est pas tout : « Les batteries chinoises ne sont pas toujours soudées avec le meilleur alliage de métaux. Nos cellules bénéficient de quatre points avec un mélange au nickel, et sont contrôlées avec un BMS de qualité ».

Il y a aussi une petite astuce. Elle consiste à appliquer une sorte « d’escalier de performances en réaffectant les éléments en seconde vie à la marche juste en dessous de sa précédente utilisation ».

D’où des caractéristiques, comme l’autonomie ou la puissance, qui peuvent être supérieures aux besoins réels ou exprimés. En exemple : « Initialement d’une capacité de 3,2 Ah, les cellules des batteries de Lime qui ressortent comme exploitables présentent une capacité résiduelle de 3 Ah. Quand nous les fournissons à des clients qui ont un besoin de 2,6 Ah, ils constatent une plus grande autonomie qu’avec des modèles neufs ».

Vers la rentabilité financière

VoltR ne brade pas son travail de valorisation des batteries usagers : « Elles sont vendues à un prix similaire à celui des neuves d’origine chinoise, entre 10 % plus cher et 10 % moins cher, mais avec de meilleures performances ».

Que deviennent les 30 % de cellules qui sont écartées de la seconde vie ? Elles sont tout simplement renvoyées chez les recycleurs classiques qui sont aussi des fournisseurs de batteries pour l’entreprise : « Pour eux, ça ne fait pas de différence que la cellule soit bonne ou pas pour recycler leurs matériaux, ils ne pourraient pas revaloriser celles encore exploitables ». C’est d’ailleurs un scénario gagnant-gagnant : « Nous ne leur retournons que des cellules, donc quasiment de la black masse qu’il savent traiter car elle est débarrassée du plastique, des cartes électroniques, etc. ».

Le plus gros du chiffre d’affaires de VoltR est réalisé par la revente des cellules et batteries : « C’est en gros 90 %. Le reste provient de la rémunération que nous recevons pour récupérer les éléments lithium, du nickel que nous arrachons des packs lors des démantèlements, et de la valorisation des cartes électroniques. A ce jour, la société n’est pas encore rentable ». Le deviendra-t-elle dans les deux ans quand les process seront automatisés à 90 % ?

Perspectives

C’est un véritable coup de pied dans la fourmilière que VoltR veut donner : « Nous souhaitons que l’Europe entière ait une réflexion sur la seconde vie des batterie. Ce que nous faisons à notre niveau, c’est apporter une brique avant le recyclage ». L’entreprise a déjà remis sur le marché 200 000 cellules et espère en livrer 200 millions par an à horizon 2035. Pour la régularité de son activité, elle attend de ses fournisseurs des flux homogènes. De son côté, à chaque nouvelle source, elle cherche à y associer des débouchés.

Actuellement en pleine phase de deuxième levée de fonds, la jeune entreprise prévoit d’ouvrir en Europe d’ici 2033 trois usines et cinq sites de stockage. De 20 tonnes d’éléments lithium, elle compte en recevoir entre 50 et 100 tonnes l’année prochaine, contre 2 000 en 2033, selon sa feuille de route.

Pour cela, trois usines et cinq centres de stockage vont être construits en Europe. Pour ces derniers, une ouverture se précise dans le Maine-et-Loire, à Durtal : « C’est un ancien site de stockage de grain. Sa capacité est de 50 tonnes. Nous prévoyons six mois de travaux. Pour notre prochaine usine, nous aurions aimé qu’elle soit située dans les Pays de la Loire, mais ce sera plus probablement dans les Hauts-de-France. Sa superficie serait de 5 000 m2 ».

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